C'est un gars qui rentre dans un bar et qui dit: "salut, c'est moi !", mais en fait, c'était pas lui ➸ Portley #1

C'est un gars qui rentre dans un bar et qui dit: "salut, c'est moi !", mais en fait, c'était pas lui.

Balayer, astiquer, Arthur s'efforçait de nettoyer le comptoir qui était devenu collant à cause de l'alcool renversé dessus. Il savait très bien que dès le lendemain, il allait devoir en refaire de même, mais cela faisait parti des ses obligations. Pour l'instant, le bar était calme, voir vide en dehors des éternels piliers de comptoir, qui discutaient dans leur coin, un verre à la main, débattant politique, climat et vaccin. Le blondinet les laissait faire, même s'il gardait un oeil attentif sur eux. Une conversation pouvait vite dégénérer et en venir aux mains. Il regarda sa montre, dans quelques minutes, il serait 17h, ce qui voulait aussi dire, la sortie des bureaux. Un moment crucial pour toute personne travaillant dans un bar. Il savait très bien que tout les salariés allaient migrer de leur bureau à son comptoir pour commander une bière avant de rentrer chez eux, retrouver leur vie de famille. Arthur se demanda s'il était capable de faire ça ? Rester assis toute la journée derrière un écran d'ordinateur pour retrouver femme et enfants... Clairement non. Il faisait déjà des efforts énormes pour garder son boulot de barman, il avait besoin d'un métier où il pouvait faire plusieurs taches à la fois.

Les minutes sont passées et le bar c'est vite retrouvé rempli, en un claquement de doigt. Comme dans ces moments, Arthur a actionné le mode pilote automatique. Ecoutant les commandes, servant les verres, sans prendre la peine de lever la tête vers les différents clients, le nez bien trop affairé à préparer les boissons. Une nouvelle commande, d'une voix grave, Arthur remplit plusieurs pintes, toujours sans relever la tête, avant de passer les verres. Malencontreusement, ses doigts effleurèrent celui du client. Puis un flash. Un souvenir. Un moment passé entre Paul et lui. Par la surprise, Arthur lâcha le verre qu'il tenait, dont le contenu se rependit sur le comptoir. "Merde ! Je suis désolé." dit-il avant de prendre un torchon pour essayer de nettoyer le liquide. Le coeur battant, il leva les yeux vers le client, même si une forte impression faisait tambouriner son coeur.

Il ne lui fallu pas longtemps pour savoir qui était la personne en face de lui. Paul. Verlaine. Son amant de cette vie passée qu'il avait tant recherché à retrouvé dans celle-ci. Assez ironique de voir que cela se faisait par hasard. Il n'avait pas besoin de vérification. Il était sûr de lui. En plongeant son regard dans le sien, il ressentait cette connexion, presque cosmique, qui lui soufflait que c'était bien SON Paul. Il avait envie de lui sauter dans les bras, mais à la place, il serra bien fort le comptoir, pour se retenir. Il n'avait pas peur de s'être trompé, il craignait surtout qu'il ne se souvienne pas de lui. "Salut Paul..." tenta-t-il, avec un petit sourire. Il paraissait presque timide, ce qui ne lui ressemblait pas, que ce soit dans le présent, tout comme dans le passé. "Ça fait un bail non ?" Il planta à nouveau son regard dans celui de son ancien amant, avec une prière silencieuse, celle qu'il le reconnaisse, comme s'ils ne s'étaient jamais séparés des années plus tôt.

(c) nightgaunt

C'est un gars qui rentre dans un bar et qui dit: "salut, c'est moi !", mais en fait, c'était pas lui.

feat. @Arthur D. Porter & Paul Hendley

L'heure avançait doucement sur l'horloge en face de Paul. Les minutes s'écoulaient avec une lenteur exaspérante, même pour un homme aussi patient que lui. Il écrivait un article sur un écrivain qui commençait à sérieusement monter dans le domaine, un article plutôt intéressant en soi, mais qui n'arrivait pas à convaincre le rédacteur.

-Eh Paul ! On va boire un verre au bar après le boulot. Tu viens avec nous ?

Un sourire se dessina sur les lèvres de Paul. Bien sûr qu'il allait venir ! Il aimait décompresser après le travail et avant de rentrer chez lui. Il avait besoin de faire une rupture entre le boulot et sa vie de famille.

-Quelle question. On dirait que tu ne me connais pas.

Il avait sa petite réputation dans la boîte, apprécié de tous et toujours près a aller boire un coup. Non, il n'était pas porté sur la boisson, pas plus que ça en tout cas. Mais il ne se privait pas d’aller boire une bière de temps en temps, le soir.

La fin de l’heure arriva bien plus rapidement. Il enfila son long manteau camel qu’il portait uniquement au travail, quand il devait mettre un costume le plus souvent noir et rejoint ses collègues de travail qui l’attendait devant l’ascenceur.
Il ne fallut que quelques minutes pour arriver devant le pub. Il n’y avait jamais mis les pieds dans celui-ci, normalement, ils se retrouvaient dans un bar qui avait malheureusement fermé dans la semaine. Un des collègues de Paul avait donc proposé l’Opal bar, en vantant l’ambiance et la bière de l’endroit. C’est en y entrant qu’ils purent découvrir le monde qui avait déjà pris possession des lieux… Mais fort heureusement, ils trouvèrent une table libre pour s’y installer.

- Vous voulez boire quoi ? C’est moi qui offre aujourd’hui.

Il n’avait pas fait ça par envie soudaine, mais pour un de ses collègues en particulier. Celui-ci venait de divorcer et avait perdu beaucoup d’argent dans cette histoire, en plus de sa femme et de ses deux enfants. Paul savait qu’une simple bière pouvait faire un petit trou dans le budget de l’homme et pour ne pas le mettre mal à l'aise, il avait préféré offrir la première bière à tout le monde plutôt qu’à lui seul.
Le groupe, fort joyeux de se faire offrir la première tournée, demandèrent tous des bières blondes, ce qui arrangeait pas mal Paul qui doutait avoir assez de mémoire pour retenir la commande de six personnes d’un seul coup. Se dirigeant au comptoir accompagné de son collègue tout juste divorcé, il passa la commande. Le barman semblait plus proche du robot que de l’être humain, servant les clients avec efficacité, mais aucune sociabilité. Le rédacteur ne trouva pas cela très étonnant, si c’était autant la foire tous les soirs, il y avait de quoi décrocher. Au moment où le jeune barman posa les premières bières sur le comptoir, leurs mains se frôlèrent et un frisson parcourut Paul accompagné d’une drôle d’impression, un peu comme un “déjà vu”. Il ne dut pas être le seul à avoir eu cette impression, car le jeune homme lâcha le verre qu’il tenait, répandant son contenu sur le bar. Paul recula d’un pas pour éviter les éclaboussures, mais pas assez rapidement, quelques taches assombrissait son manteau. Rien de bien grave, pas assez en tout cas pour en faire tout un foin. Son regard s’arrêta dans celui du barman et il eut l'étrange impression de le connaître, ce qui était fort peu probable étant donné qu’il n’avait jamais mis les pieds ici avant. Mais les mots du jeune homme lui mirent un léger doute.

- Nous nous connaissons ?

Il connaissait son prénom, Paul fronça le sourcil l'air profondément perplexe. Il avait l’impression de ne pas comprendre quelque chose d’important. Mais ce qu’il remarquait aussi était le trouble dans le regard de son interlocuteur.

- Je pense que vous devriez vous asseoir… Et boire un verre d’eau, vous ne me semblez pas vraiment être dans votre assiette.

Le jeune barman semblait vraiment ne pas être bien. Paul demanda à son collègue d’emmener les bières aux autres et qu’il allait les rejoindre un peu plus tard.

C'est un gars qui rentre dans un bar et qui dit: "salut, c'est moi !", mais en fait, c'était pas lui.

@Paul Hendley & Arthur D. Porter

Arthur observa Paul, sans dire un mot. Il se rendait compte du sentiment de malaise qui pouvait s'instaurer entre eux, mais il n'arriva pas à détacher son regard de son ancien amant. Dans son esprit, il se souvenait de ces anciens traits, mais il analysait aussi les nouveaux. Il était différent sur bien des points (après tout, c'était aussi le cas pour lui), peut-être même si différemment physiquement qu'Arthur aurait pût se tromper mais... Le barman était sûr de lui. Car quand il sondait les yeux bleus de Paul, il y revoyait la même mélancolie qu'avant. On lui parla et il sortit de ses pensées. Un client venait de lui passer une commande. Arthur servit les quelques verres de tequila, tandis que son attention se reporta aussitôt sur Paul.

Quelques mots suffirent à serrer le coeur d'Arthur. Nous nous connaissons. Il n'avait pas besoin de plus pour qu'il se sente meurtri. Paul ne le reconnaissais pas. Il s'en était douté, mais ça n'en restait pas moins blessant. Son ancien amant n'avait pas encore eu son éveil... Ou alors il l'avait fait et il n'avait pas conscience que c'était lui dans cette nouvelle peau. Pire encore, il l'avait parfaitement reconnu mais jouait les ingénus. Ce ne serait pas déconnant quand on se souvenait de leurs dernières interactions, même si elles étaient sans rancune. "Ouais, on se connait..." dit-il avec prudence, réfléchissant à ces mots, à ce qu'il allait bien pouvoir lui dire. "On s'est connu il y a un long moment maintenant." Il faisait exprès d'être assez vague, laissant libre court à l'interprétation de Paul. Essayant de voir comment il allait percevoir les choses.

Paul lui proposa de s'asseoir, mais le blondinet secoua la tête négativement. "Non, ça va, ne t'inquiète pas." dit-il. Ce qui était un mensonge... A vrai dire, il ne savait pas comment il devait se sentir, l'ascenseur émotionnel était trop fort, ce qui n'était pas du tout conseillé avec sa maladie. Il avait éprouvé tellement de joie en le voyant. Il s'était fait des films et se voyait déjà couler de longs jours heureux avec Paul, et leur quadruplés se nommant, Gustave, Alphonse, Arthur et Philibert. Puis Paul ne l'avait pas reconnu et il avait ressenti tellement de peine. De la déception aussi, de voir que le simple fait que Paul le voit, ne lui ramène pas ses souvenirs. Mais maintenant, il était dans un autre état d'esprit. Il se sentait déterminé. Il l'avait retrouvé, ce n'était pas maintenant qu'il allait le laisser filer. Il lui ferait retrouver ses souvenirs. La tache allait être ardue, il le savait, mais c'était une mission qu'il se donnait. Après, ils pourraient parler d'eux... Arthur prit une bouteille de whisky sous le bar, sorti deux verres avant de les remplir. "C'est un bien meilleur remontant que l'eau." dit-il avec un clin d'oeil, avant de glisser un des verres vers le brun.

(c) nightgaunt

C'est un gars qui rentre dans un bar et qui dit: "salut, c'est moi !", mais en fait, c'était pas lui.

feat. @Arthur D. Porter & Paul Hendley

Cette affreuse sensation de déjà vu ne voulait pas le quitter alors qu’il regardait le jeune serveur. Quelque chose n’allait pas dans cette histoire, il se sentait quelque part dans un coin de sa tête. D’après le jeune homme, ils s'étaient connus il y a longtemps, mais Paul était persuadé de ne jamais avoir vu ce visage de sa vie. Peut-être avait-il simplement oublié… mais il en doutait fortement.

- Peut-être… Je suis désolé de ne pas m’en souvenir. Surtout avec cette impression que je te trouble beaucoup.

Il était passé au familier, sans vraiment s’en rendre compte. Oubliant sa bonne éducation pour un dialecte plus commun. Paul était profondément gentil, mais il n’était pas idiot, il savait qu’il faisait un drôle d’effet au jeune homme. La question était “pourquoi ?” et aussi pourquoi se sentait-il lui aussi perturbé par cette rencontre pourtant très banale.
Le jeune homme refusa de s'asseoir et à la place sortit une bouteille de sous le bar pour en servir deux verres et lui en tendre un. Pourquoi pas après tout, ses collègues pouvaient se passer de lui encore quelques minutes. Il avait l’impression d’avoir beaucoup plus important à faire ici, maintenant.

- Je ne peux qu’être d’accord avec toi.

Il prit le verre en main et le leva devant lui, trinquant à cette étrange soirée et en bu une première gorgée. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas bu d’alcool fort, préférant la bière lors des sorties avec les collègues, évitant ainsi de rentrer complètement saoul a la maison.
Il posa le verre sur le bar sans pour autant le lâcher. Son regard bleu se reposa sur le jeune barman et il se mit à sourire, amusé.

- Tu as l’air de te souvenir de mon prénom, mais moi, je n’ai pas souvenir du tien. À défaut de me rappeler de toi, j’aimerais au moins savoir comment tu t’appelles.

Il se demandait si ce qu’il ressentait était la même que pour les personnes amnésiques. Avoir l’impression de devoir se souvenir d’une personne, mais en être incapable. C’était frustrant au plus haut point… Il avait beau se creuser la tête, il n’arrivait pas à savoir où il avait rencontré le jeune homme, ni comment il s’appelait. Ou peut-être qu'il le roulait juste… Une technique de drague peut-être ? Paul avait du mal à y croire, préférant croire qu’ils s’étaient déjà connus il y a longtemps que de penser que le jeune homme se moquait de lui.

- Et peut-être me donner une idée de notre première rencontre.

Il ne savait pas à quel point cette question était dangereuse, lui qui ne se souvenait de rien pour le moment. À ce moment-là, c’était une question tout ce qu’il y avait de plus banal.

C'est un gars qui rentre dans un bar et qui dit: "salut, c'est moi !", mais en fait, c'était pas lui.

@Paul Hendley & Arthur D. Porter

Arthur voyait bien dans le regard de Paul qui ce dernier était profondément désolé. Et même si ce n'était pas de sa faute, le blond ne pouvait s'empêcher de ressentir de la colère, au plus profond de ses entrailles. Pourquoi n'arrivait-il pas à se souvenir de lui ? Ce sentiment était mélangé avec de la curiosité. Comment est sa vie maintenant ? Arthur ressentait aussi de la tristesse, de la lassitude, tellement de sentiments différents. Paul avait raison, le voir ici le troublait vraiment. "C'est le cas de le dire..." marmonna-t-il entre ses dents. Si bas qu'il n'était même pas sur que Paul l'ai entendu.

Arthur se massa la tempe gauche, se demandant encore comment il allait procéder. Dire que d'habitude, il était direct avec les gens, avec Paul, il préférait y aller par étape. Son ancien amant accepta le verre qu'il lui tendait, trinquant avec lui. Le blond bu le sien d'une traite, grimaçant, l'alcool lui brulant la gorge. Il eut un petit frisson. Il ne savait pas si l'alcool était une bonne chose pour l'aider à réfléchir, il devait garder les idées claires, mais il se disait surtout qu'il avait besoin de se détendre. Paul fini par lui demander son prénom. "Je m'appelle Arthur... Arthur Porter." Il se retint de rajouter : dans cette vie. Il savait bien qu'il allait devoir lui dire la vérité sur sa réincarnation, mais il réfléchissait tout simplement à la bonne manière d'emmener les choses.

Maintenant Paul lui demanda comment ils s'étaient rencontré. Arthur sourit avec mélancolie. C'est marrant, depuis qu'il se souvenait de son ancienne vie, il avait cherché Paul dans les moindres recoins de la ville, mais pourtant, il ne s'était pas vraiment attardé sur ses souvenirs avec lui, ou alors juste de manière fugace. La question lui ramena pleins de souvenirs. "A vrai dire, nos premiers contacts ont d'abord été épistolaires..." Il laissa à Paul le temps de digérer l'info, s'il lui en demandait plus, il raconterait la suite. Pour l'instant, il voulait savoir à quoi allait penser Paul avec ces quelques informations.

Devait-il poser la question qui lui brulait les lèvres ? Il se disait que c'était quitte ou double. Soit Paul y répondrait avec sérieux, soit il le prendrait pour un fou, mais au moins, il serait tellement soulagé. Il pourrait aussi avoir une idée sur la manière d'annoncer à Paul qu'il était la réincarnation de Rimbaud. Il se resservit un verre, prenant une gorgée. "Dis moi Paul... Tu penses quoi de cette histoire de légende ? De réincarnation..." Il ne fallait pas être idiot pour voir où il voulait en venir. Après tout, il passait du coq à l'âne. Mais la situation était tellement compliquée qu'il ne savait pas vraiment comment agir.

(c) nightgaunt