are you gonna go my way ? ⚝ elise

ft. @Elise Brown & Tallulah Johnson

are you gonna go my way ?

Comment j’ai fait pour arriver là ? Posée sur la plage, mes lunettes noires sur les yeux, à contempler un magnifique coucher de soleil... ça pourrait presque être romantique, si mon seul compagnon n’était pas mon verre vide, vestige d’un cocktail que je sirote depuis un peu trop longtemps. La fête bat son plein autour de moi, les soirées californiennes sont connues pour leur taux de pseudo-célébrités au mètre carré. Et alors que les influenceurs d’Instagram se bousculent pour avoir la meilleure photo ou la meilleure story, j’en suis à me demander pourquoi j’ai décidé de venir à cette fête. La réponse est plutôt simple en réalité : n’importe quelle excuse est bonne pour enchaîner les verres sans passer pour une alcoolique. Et ça fait de la pub gratuite pour le groupe, c’est le publiciste qui va être content. Mais les flashs et les paillettes, très peu pour moi. Je décide donc de bouger, à la recherche d’un peu plus de calme.
Le cerveau embrumé par l’alcool, je me déplace en titubant légèrement. Rien d’alarmant, ni d’inhabituel, et je suis encore en pleine possession de mes moyens - du moins, je crois. Et réglés comme une boussole, mes pas me ramènent directement vers le bar, où je m’installe en demandant un verre d’eau. Après avoir retiré mes lunettes et les avoir posées devant moi, je relève la tête vers une silhouette familière, également installée au bar, quelques mètres plus loin. Elise Brown. Malgré moi, un léger sourire vient étirer le coin de mes lèvres. Je n’irais pas jusqu’à dire que je suis heureuse de la voir ici, mais l’ironie de la situation m’amuse particulièrement. Le barman me ramène mon verre d’eau, que j’enfile d’une traite, avant de récupérer mes lunettes et me rapprocher de la jeune femme.
« Un autre verre pour la demoiselle. Et je vais prendre la même chose qu’elle. » Ma commande passée, je m’adosse au bar, lui jetant un regard furtif avant de remettre mes lunettes, et de fixer l’océan. Je ne sais pas si elle avait remarqué ma présence avant mon intervention, ni même si elle avait l’intention de m’ignorer, mais finalement, je ne lui laisse pas vraiment le choix. « Toi aussi tu viens te réfugier au bar pour échapper à cette soirée chiante à crever ? »

Are you gonna go my way ?

Elle avait le choix, rester chez elle à tourner en rond et à chercher ce qu’elle pouvait faire de sa soirée ou bien prendre son courage à deux mains et affronter le monde. Malgré son air angélique et ses manières, Elise était le genre de personne qui aimait sortir et occuper son temps avec d’autres personnes. Sauf que personne dans ses contacts n’était libre et de plus, elle se sentait assez triste aujourd’hui, encore et toujours à cause de la même personne, de son pianiste.
Elle se regarda dans le miroir et grimaça légèrement à son air trop décontracté. Elle détacha son chignon fait à la va-vite et laissa ses cheveux tomber sur ses épaules en mèches blondes et clairement emmêlé. Elle soupira, il y avait du boulot avant de pouvoir être un minimum présentable pour sortir. Alors après un démêlage intensif de cheveux, un ravalement de façade à coup de fond de teint, anti cerne et autre maquillage en tout genre, elle fut enfin présentable. Elle enfila une robe noire assez simple, pas trop voyante pour là ou elle comptait aller et enfila une paire de sandale compensé noire avant de prendre son sac à main, une veste et partir en direction du festival.
Le soleil n’était pas encore couché, des lunettes de soleil étaient donc de mise. Ce fut donc caché derrière une paire de lunettes bien rondes qu’elle s’installa au bar. Il lui fallait un verre et rien de mieux qu’un petit martini pour commencer la soirée.

Un coucher de soleil plus tard et un martini avalé, une voix familière à la jolie blonde retentit à ses oreilles. Elisa hésita entre lever les yeux au ciel à cette façon bien personnelle de l’aborder, ou bien justement rire de celle-ci. Elle se contenta de remonter ses lunettes sur le haut de sa tête et d’offrir un sourire légèrement amusé à Tallulah.

- Merci pour le verre.

La politesse avant tout, même quand la personne avec vous était Tallulah Johnson, un modèle de mauvaise conduite en société aux yeux d’Elise. Elles venaient clairement de deux mondes différents, pourtant elle avait quelque point en commun, comme la musique par exemple. La blonde haussa les épaules pour répondre à la question de la jeune femme.

- Je ne viens pas spécialement pour échapper à cette soirée. Juste un besoin de sortir prendre l’air.

Elise ne pouvait s'empêcher de regarder sa compagne de bar, elle avait un charme bien à elle qui avait toujours à la fois agacé et fasciné Elise. Bon… Il était vrai que Tallulah avait plutôt tendance a agacé la jeune femme, ce qui était un exploit en soit.

- Pourquoi être venu si tu trouves la soirée si… “Chiante à crever" comme tu le dis.

Elle avait légèrement appuyé sur l’expression de la jeune femme. Elise n’était pas une grande adepte du langage très familier, limite vulgaire, de la guitariste.

ft @Tallulah Johnson

ft. @Elise Brown & Tallulah Johnson

are you gonna go my way ?

Merci pour le verre ? Il n'y a pas de quoi. Surtout quand c'est gratuit, comme c'est le cas dans ce genre de soirées où la seule monnaie échangée est celle de l'influence, ou de l'image. Enfin, c'est pas comme si j'avais l'habitude de payer mes verres en général. L'avantage de la célébrité. Ce principe un peu sournois de l'argent qui appelle l'argent. Plus t'es riche, plus tu reçois de cadeaux. Un peu comme l'ensemble en cuir que je porte, qui vient d'un créateur dont j'ai oublié le nom. Je lui réponds par un petit lever de sourcils, accompagné d'un nouveau sourire un coin.
Elle ne m'a pas envoyé balader, c'est déjà une petite victoire. De toute façon, elle est trop polie pour ça, clairement un trait que nous n'avons pas en commun. Et j' avoue, j'en profite un peu. Pas juste aujourd'hui, c'est un petit jeu qui dure depuis de nombreuses années. Mais avant, je la prenais juste pour une nana coincée, incapable de se sortir de sa rigidité. Maintenant, j'ai un peu changé d'avis... Il est même possible que j'apprécie sa compagnie. Peut-être. Les jours de pleine lune. Ça tombe bien, c'est la pleine lune aujourd'hui.

« Je ne viens pas spécialement pour échapper à cette soirée. Juste un besoin de sortir prendre l’air. »
Je ne réagis pas spécialement. En fait, je me fiche un peu de la raison de sa présence. C'est juste une heureuse coïncidence que je me suis empressée de saisir, dans le seul but de me sortir de mon propre ennui. Et pour parfaire le tout, je sens son regard sur moi, alors même que je prends soin de l'ignorer du mien. Un air satisfait transparaît sur mon visage.

« Pourquoi être venu si tu trouves la soirée si… "Chiante à crever" comme tu le dis. »

Je finis par croiser son regard, un petit sourire moqueur au bout des lèvres. « Fais gaffe, tu pourrais te brûler la langue avec des mots pareils. » Je m’amuse de ses airs de petite bourgeoise, surtout quand mon langage la met mal à l’aise. « Ce serait con, et je crois pas que le martini soulage ce genre de choses. Il faudrait que je m’y colle, t’imagines ? » De nouveau, je lève un sourcil et lui lance un regard appuyé. Puis je finis par me retourner vers le bar, où nos verres sont servis.

J’attrape le mien entre le pouce et l’index, et je le remue lentement pour faire bouger l’olive qui se trouve au fond. Avec tout ça, je n’ai pas répondu à sa question. Pas que ça doit particulièrement l’intéresser, mais tant pis. « J’suis censée faire bonne figure, montrer que je sais me tenir en société. » Un sourire amer me tord le visage. J’en ai jamais rien eu à faire de mon image, mais il paraît que ma réputation a pris un coup depuis la mort de Blue, on se demande bien pourquoi. Et maintenant, c’est l’heure de la rédemption. Le seul moyen pour que le label nous laisse finir l’album. « T’en penses quoi, je m’en sors bien ou pas ? » Je tourne la tête vers elle, mon regard glissant sur son visage, avant d’atterrir au fond du sien.

Are you gonna go my way ?

Bien sûr, entendre une expression aussi grossière de la bouche de la jeune femme n’avait pas laisser Tallulah de marbre. Elise Brown ne disait que rarement ce genre de chose, même quand son petit doigt de pied entrait en contact avec un coin de meuble. Au pire, elle sortait un “flûte” et dans des cas graves un petit “Bordel” mais pas plus vulgaire que ça.

- Comment comptes-tu soulager ç…

Elise écarquilla les yeux, outrée ? Choquée ? Non, juste surprise de ce qu’elle croyait comprendre. Elle n’était plus vraiment choquée par Tallulah depuis bien longtemps.

- Oublie, je ne préfère pas savoir.

La blonde prend son verre d'un geste délicat, joue lentement avec la pique et son olive avant de finalement porter le verre à ses lèvres et d'en boire une petite gorgée. Elle laissa un moment de battement entre les derniers mots de la jeune femme et la fin de sa gorgée de Martini. Johnson faire bonne figure en société… Elle posa son regard sur elle et l'observa des pieds à la tête, l'œil critique.

- À vrai dire, pas vraiment.

Elle posa enfin son regard dans celui de sa compagne de comptoir et haussa légèrement les épaules. Ça ne devait pas vraiment être une surprise pour Tallulah, faisait-elle au moins un effort pour paraître ne serait-ce que correct.

- Mais je pense que tu en es totalement capable. Et je peux t’aider si tu le souhaites. Je ne veux pas te transformer en Elise bis, bien entendu ! Un changement trop radical serait suspect et je ne voudrais pas que l'on pense que tu as été remplacé par un sosie beaucoup trop sage.

Avril Lavigne, Paul McCartney et autre star avaient leurs petites théories du complot comme quoi ils avaient été remplacés par des sosies après leurs morts. Cela amusait beaucoup Elise, mais elle préférait éviter qu’une sombre histoire de ce genre arrive dans leur belle ville.

- Après, c’est à toi de voir.

Elle ne pouvait pas forcer Tallulah et puis, elle n’était même pas sûre que la jeune femme le prendrait au sérieux. Elle se moquerait peut-être de sa proposition, mais Elise s’en moquerait, elle avait vu pire.

ft @Tallulah Johnson

ft. @Elise Brown & Tallulah Johnson

are you gonna go my way ?

Non Elise, tu ne préfères pas savoir. Même si au fond, tu le sais déjà. Et je ne prends même pas la peine de répondre ; rien que la satisfaction de savoir qu’elle a eu cette image en tête pendant une demi-seconde, ça me suffit. Finalement, cette soirée n’est peut-être pas si mal, puisque je peux me payer le luxe de jouer avec elle. En tout bien tout honneur, bien sûr... Pour le moment.

Finalement, je lui parle de la raison pour laquelle on m’a collée à cette soirée. Et franchement, je trouve que je m’en sors pas trop mal - au moins, j’ai arrêté de me taper des cuites et des scandales au milieu du gratin de la bourgeoisie californienne. Mais selon elle, ça n’a pas l’air suffisant. Elle a le mérite d’attirer mon attention, et plus je l’écoute, plus j’ai le sourcil qui se tord dans un froncement d’incompréhension. Attends... quoi ?

« Tu veux me rendre plus sage ? T’as pas peur qu’il se passe le contraire et que je puisse avoir une mauvaise influence sur toi, plutôt ? »

Bon, certes, d’ici à ce qu’elle arrive à mon niveau, on a de la marge. Mais d’ici à ce qu’elle puisse m’assagir, il y a aussi pas mal de chemin. Et en fait, je finis par laisser échapper un petit rire, pour masquer le doute qui commence à m’atteindre.

« J’arrive pas à savoir si t’es sérieuse, en fait. Mais c’est original comme idée. »

En deux temps trois mouvements, j’ai fini mon verre et englouti mon olive. Il ne me reste plus que la pique, que je garde distraitement entre mes dents. Accoudée au bar, je me retourne vers la blonde pour la détailler de haut en bas, avant de ramener mon regard au niveau de son visage. Et ouais, je sais, c’est lourd. Mais c’est précisément pour ça que je le fais, spécifiquement en sa compagnie.

« Tu te rends compte de ce que ça voudrait dire ? Il faudrait passer du temps avec moi... Beaucoup... Et il faudrait pas que tu t’attaches. Tu te sens prête pour ça ? »

Toujours entre mes dents, la pique s’agite. De nous deux, ce n’est certainement pas pour elle qu’il faudrait s’inquiéter. Mais ça, je n'en ai probablement pas encore conscience.