It's like forgetting the words to your favorite song ○ Lucy&Thea

Parma, le quartier le plus luxueux de la ville. Évidemment, lorsqu'on lui avait décrit les différents quartiers, Thea avait immédiatement su que c'était dans celui-ci qu'elle voulait s'installer. On lui avait bien présenté des immenses villas en bord de mer, à l’est, mais elle les trouvait beaucoup trop tape à l'œil, et un peu vulgaires à vrai dire... Non, elle avait des goûts de luxe certes, mais recherchait tout de même l’élégance et le bon goût. Et elle avait eu un coup de cœur pour cette grande villa toute en discrétion, sur les collines de Parma. L'argent n'avait pas été un problème, après avoir vendu son appartement londonien pour une petite fortune. Et elle s'était donc installée dans son nouveau quartier de résidence, à peine quelques semaines après son arrivée à Santa Barbara.

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Cela faisait maintenant deux ans qu’elle était installée, et elle avait un peu pris le temps de se familiariser avec la ville, notamment lors de nombreux après-midi à flâner, telle une touriste. Elle s’était même fait une amie, même si c’était plutôt récent. Lucy Powell était une personne de goût, et malgré le caractère mouvementé de leur rencontre, elles avaient peu à peu appris à se connaître, pour le bonheur de Thea qui se félicitait chaque jour de n’avoir pas envoyé balader cette jeune femme et ses histoires à dormir debout. Non, elle s’y était intéressée, et elle avait même fait mieux que ça : elle avait proposé son assistance pour l’aider à retrouver la mémoire. Ce n’était pas très courant pour Thea de s’impliquer comme ça dans la vie d’une autre personne. Mais en vérité, c’était aussi un moyen pour elle de ne plus avoir à se préoccuper de ses rêves qui devenaient de plus en plus récurrents.

Ce jour-là, elle avait donc proposé à Lucy d’aller voir un magasin de disques qui n’était pas très loin de chez elle. Elle-même n’était pas particulièrement spécialiste en musique, mais elle savait que ces gens-là sauraient les aider, si besoin. En effet, elle avait lu que la musique pouvait parfois aider en cas d’amnésie, et se disait que ça ne leur coûterait rien d’essayer, si elles parvenaient à situer les goûts musicaux de Lucy, ou du moins, la Lucy d’ « avant ». Elles s’étaient donné rendez-vous sur place, et comme à son habitude, Thea était arrivée avec un peu d’avance. Stationnant son Audi devant le magasin, elle prit le temps de se recoiffer avant de sortir de la voiture, et enfila ses lunettes de soleil en s’adossant au bolide. La connaissant, Lucy ne devrait pas tarder.

Il ne fallut que quelques minutes pour que la silhouette de Lucy apparaisse au coin de la rue, et Thea lui rendit son sourire avec entrain. Plus elles passaient de temps ensemble, et plus l’anglaise appréciait la compagnie de sa nouvelle amie. De plus, cette chasse aux souvenirs dans laquelle elles s’étaient engagées ensemble avait quelque chose d’un peu mystique, ou en tout cas, mystérieux. Assez curieusement, elle trouvait beaucoup plus simple, et presque naturel de se lier d’amitié avec cette jeune femme qui cherchait désespérément à en savoir plus sur ce qu’elle était. Ou en tout cas, qui elle était.

« Hey ! Je ne t’ai pas fait attendre trop longtemps ? »
« Pas du tout, mais tu aurais dû me dire de venir te chercher ! »

C’était bête qu’elle s’entête à prendre les transports, alors que Thea avait une superbe voiture pour la conduire partout où elle le souhaitait. Et franchement, ce n’était pas donné à tout le monde d’embarquer dans le bolide, donc c’était presque un privilège de se le voir proposer. Mais bon, ce n’était pas une raison pour s’en formaliser. et elle suivit la professeure à l’intérieur du magasin.

Il y avait déjà plusieurs clients, et quelques vendeurs qui les saluèrent à leur entrée. L’ambiance était résolument rétro, comme on pouvait s’y attendre dans ce genre de commerce. Les murs étaient couverts de posters, alors que les rangées de CD s’étalaient à travers tout le magasin, classés par genre musical, puis par ordre alphabétique. Derrière une cloison, il y avait un rayon vinyles, à destination des plus fins connaisseurs. C’était la première fois qu’elle entrait ici, mais s’il y avait un endroit qui pouvait aider Lucy, c’était sûrement celui-ci.

« C’est quoi le plan ? »

Posant les yeux sur la jeune femme, elle n’eut aucun mal à discerner la tension sur son visage. Vu les circonstances, c’était plutôt normal, et Thea lui adressa un sourire rassurant pour essayer de la détendre un peu. Mais la vérité était qu’elle n’avait pas beaucoup plus d’idées qu’elle... Il allait falloir improviser.

« Hm... Je pense qu’on peut essayer de découvrir le genre de musique que tu aimes, déjà. Qu’est-ce que tu écoutes, en ce moment ? »

Avec le recul, elle n’était peut-être pas la mieux placée pour parler musique. Mais en avançant un peu dans les allées, elle tomba sur un étal qui attira son attention. Sur celui-ci, des compilations et best-of, rangés par ordre chronologique. Elle prit un CD, et en regarda l’arrière de la pochette.

« Tiens, c’est une compilation des années 2010s. Est-ce qu’il y a un titre qui te parle, peut-être ? » Elle lui tendit le CD, peu convaincue par la démarche. Mais bon, il fallait bien commencer quelque part...

Une recherche de souvenirs telle que celle-ci était particulièrement complexe, et surtout un peu inédite pour l’anglaise. Elle ne pouvait se baser sur aucune méthode scientifique, ni un quelconque ouvrage sérieux. Il y avait bien des revues médicales qui traitaient des méthodes de recouvrement de la mémoire, mais il n’y avait pas de réponse universelle. Il fallait avant tout se donner du temps, et tâtonner avec des techniques plus ou moins douteuses... Voilà, globalement, les conseils qu’elle avait pu lire, et transmettre à Lucy.

Ce qui ne faisait aucune doute, en revanche, c’était la patience dont faisait preuve son amie. Pour sa part, elle savait qu’elle aurait probablement été incapable de garder son calme dans une situation équivalente. Elle n’aimait pas l’inconnu, ni les mystères. Et elle serait probablement terrifiée d’avoir ainsi perdu le souvenir de toutes ces années. Dans de telles circonstances, la professeure faisait preuve d’une résilience qui forçait le respect. Aussi, Thea s’était impliquée du mieux qu’elle pouvait pour l’aider à se remémorer certains détails, en essayant éventuellement de déclencher une réaction quelconque.

Mais elle n’était peut-être pas la meilleure personne indiquée pour cela. Sa culture musicale était assez limitée, et à part quelques groupes de rock anglais qu’elle connaissait surtout de nom, elle se reconnaissait plutôt dans ce que lui décrivait Lucy. A savoir : de la musique classique, ou éventuellement des pianistes contemporains. Ludovico Einaudi, par exemple, lui était bien plus familier que ce qu’on entendait généralement à la radio. Mais bon, puisqu’il fallait se lancer, elle s’était saisi d’une compilation des années 2010s.

« Tik Tok de K E dollar H A ? C’est vraiment une musique ça ? »
Elle fronça les sourcils, regardant à son tour le nom sur la pochette.
« On dirait une énigme. Ou un type d’encryptage, peut-être... Ça ne me dit rien du tout. »

Pourtant, elle n’avait que vingt ans en 2010. Tous ces noms ne devraient pas lui paraître si étrangers. Quoique, à ce moment-là, elle avait déjà abandonné la musique populaire pour quelque chose de plus calme, de plus mélodieux peut-être.

Elle laissa à son amie le loisir de découvrir la suite de la liste, sans grande conviction cependant. Si elles avaient grandi de la même façon, il était probable que la jeune Lucy n’était pas non plus familière de ces titres disgracieux.

« Thea ! Thea, je sais que je connais ce titre là ! »

De surprise, elle leva un sourcil en se rapprochant de nouveau, lisant le nom de la chanson que la brune lui désignait. I Kissed A Girl. Vraiment ? A elle aussi, ce nom lui disait vaguement quelque chose. Tout comme le nom de cette Katy Perry qu’elle avait déjà eu l’occasion de croiser plusieurs fois.

« C’est la chanson que tu reconnais ? Ou... juste la teneur de son titre qui t’évoque quelque chose ? »

Elle interrogea la jeune femme du regard, alors qu’une nouvelle forme de curiosité venait la gagner. Peut-être que, finalement, la jeune Lucy était plus aventureuse que ce qu’elle pouvait laisser paraître.

« Voyons si on peut l’écouter. »

L’avantage de ce magasin de musique rétro, c’était qu’il y avait des lecteurs CDs un peu partout, prêts à l’emploi si l’on souhaitait en essayer un. Elle n’eut donc aucun mal à trouver son bonheur, et une fois le disque inséré et la piste lancée, elle se saisit d’une paire d’écouteurs, et en donna un à Lucy. Se gardant l’autre pour elle-même, par curiosité.