Girl, what's your problem ? • Thea & Lucy

Dernière édition par Lucy Powell le 07.04.21 13:53, édité 1 fois

Girl, what's your problem ?

Lucy était arrivée à Santa Barbara depuis un peu plus d’un mois maintenant, et bien entendu, une des premières choses qu’elle avait faite était aller à la bibliothèque. D’ailleurs, elle y allait très souvent, dès qu’elle en avait l’occasion. Elle y allait tellement qu’elle commençait à connaître les horaires des différentes personnes qui y travaillaient.

Aujourd’hui, elle y était allée avec un objectif en tête : elle voulait trouver quelques livres qu’elle avait lus dans son passé à coup sûr, mais dont elle ne se souvenait plus. En effet, après sa discussion avec Amelia, l’étudiante, elle avait demandé à sa mère de lui faire une liste des livres stockés dans un des cartons, et avait pour objectif de relire tous ceux qui lui paraissaient inconnus. Elle en étant désormais au second carton.

Elle se dirigea vers la section Fantasy, pensant qu’elle y trouverait le livre qu’elle cherchait, enfin les livres. En effet, cette fois, elle allait se pencher sur une série littéraire du nom d’Harry Potter. Elle avait cru comprendre que ça avait été quelque chose d’exceptionnel à sa sortie, au point où il y avait eu des adaptations cinématographiques, et une communauté de fans, à travers le monde, était née de l’amour qui était porté à cette histoire.
Dans tous les cas, elle n’avait aucun souvenir de tout cela, alors que sa mère lui avait assuré qu’elle possédait tous les livres et les avait lus à plusieurs reprises.
Peut-être faisait-elle même partie de cette communauté de fans ?

Cela n’avait pas d’importance, il fallait qu’elle relise les livres qu’elle connaissait avant son accident et ce qui l’importait, c’était de récupérer sa connaissance littéraire. Sinon comment pouvait-elle être une bonne prof de littérature ?

Elle se retrouva face à l’étagère comportant de nombreuses versions d’Harry Potter, ainsi que tous les volumes. Elle passa ses doigts sur chaque tranche, l’édition qu’elle choisirait n’était pas importante, mais elle aimait les jolis livres. Elle s’arrêta brutalement sur une tranche de couleur bleu foncé, et se saisit du livre.

D’un coup, elle n’était plus à la bibliothèque. Elle était allongée dans un lit, les yeux entrouverts, mais elle ne reconnaissait absolument pas la chambre dans laquelle elle était. Elle était allongée sur le côté, face à une table de chevet, sur laquelle elle pouvait voir le même livre, sur lequel il y avait la mention "Harry Potter". Alors qu’elle allait se retourner et se lever, pour tenter de comprendre où elle était, elle entendit une porte s’ouvrir, elle se figea alors instantanément. Les draps qui la recouvraient bougèrent, et quelqu’un s’installa dans le lit à côté d’elle. Deux bras vinrent s’enrouler autour de sa taille et un corps se colla à son dos. Lorsqu’elle tenta de se retourner pour voir de qui il s’agissait, elle se retrouva de nouveau dans la bibliothèque.

Elle lâcha le livre instantanément, comme s’il lui avait brûlé les mains et s’assit sur la chaise la plus proche. Elle porta ses mains sur son visage. Que lui était-il arrivé ? Avait-elle été droguée ? Était-ce un rêve ? Un souvenir ?

Non, ça ne pouvait pas être un souvenir, sinon ses parents lui auraient dit qu’elle avait un conjoint, ce n’était définitivement pas son petit ami du lycée, car elle se souvenait très bien de sa chambre, et était sûre qu’elle n’était pas aussi sobre que celle-ci.

Les larmes commençaient à lui monter et sa tête tournait, elle avait besoin de réponses, elle voulait retrouver ses souvenirs, devenait-elle folle ?

Lorsqu’elle ouvrit les yeux et qu’elle retira ses mains de son visage, elle vit le livre à terre, et sans qu’elle ne puisse le contrôler quelques larmes s’écharpèrent de ses yeux.

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Le rêve. C’était une notion pour le moins abstraite, à laquelle Thea ne s’était jamais vraiment intéressée. Pourtant, elle se targuait de sa grande curiosité ainsi que de sa culture plutôt étendue, mais vraiment, ce sujet-ci n’avait jamais eu le moindre soupçon d’intérêt dans son existence. A vrai dire, malgré les rêveries auxquelles elle s’était adonnée lorsqu’elle était enfant, c’était une jeune femme plutôt cartésienne. Accordant bien plus d’importance aux preuves matérielles et concrètes, plutôt qu’aux théories farfelues qui pouvaient exister sur des notions aussi abstraites que l’inconscient, ou la signification des rêves. Pourtant, ce jour-là, c’était bien sur ce sujet que portaient ses recherches. En effet, elle avait décidé de profiter d’une journée de repos pour se rendre à l’université, qui possédait la plus grande bibliothèque de la ville. Son objectif ? En savoir plus sur les rêves, les théories qui pouvaient les entourer, et la signification qu’on pouvait leur prêter.
Oh, elle avait mis longtemps à se décider à franchir le pas, refusant pendant longtemps de se laisser aller à croire que ses rêves pouvaient avoir une signification particulière. Mais après presque deux années de rêves étranges, de réveils en sueur, deux années pendant lesquelles elle était allée jusqu’à régulièrement prendre des somnifères lorsque son cerveau diffusait des images qu’elle ne reconnaissait pas, elle était prête à essayer de nouvelles méthodes. Comprendre, plutôt que réprimer. Pour sa défense, elle avait d’abord mis tout cela sur le compte du stress. Après tout, ces rêves avaient commencé peu après son arrivée à Santa Barbara. En débarquant, seule, dans une ville, un pays où elle ne connaissait personne ou presque, c’était plutôt normal de ressentir une certaine dose de stress. Mais deux ans après, cette excuse n’était malheureusement plus valable.
Ainsi, elle s’était installée à une table de la bibliothèque, après avoir sélectionné quatre ou cinq ouvrages qui pourraient éventuellement l’aider à avoir un début de réponse à ses questions. Elle était plongée dans son livre, concentrée sur sa lecture, et ne portait aucune attention particulière à ce qui pouvait se passer autour d’elle. Ce n’est que quand elle vit, du coin de l’œil, quelqu’un s’asseoir à la même table qu’elle, qu’elle releva le nez de son livre. Elle fronça les sourcils, perplexe, en observant que la jeune femme qui venait de s’asseoir ne semblait pas l’avoir remarqué, ni même lui porter la moindre attention. Puis elle balaya la pièce du regard, pour constater qu’il y avait bien d’autres tables de libres. Ce n’était donc pas un manque de place qui l’obligeait à devoir partager sa table.
Elle porta de nouveau son attention vers la jeune femme, s’apprêtant à lui demander des comptes, lorsqu’elle remarqua que celle-ci avait le teint pâle, semblait contrariée, et que quelques larmes commençaient à s’échapper de ses yeux. Thea s’arrêta nette, soudainement prise de compassion.
« Madame ? Vous allez bien ? » Elle posa l’ouvrage qu’elle avait dans les mains, et se pencha légèrement pour voir l’objet de l’attention de la jeune femme, visiblement au niveau de ses pieds. C’était un livre, ouvert sur la tranche, qui jonchait le sol et semblait avoir souffert d’une chute plutôt récente. Le regard de Thea fit plusieurs aller-retours entre ce livre, et le visage de la jeune femme, qui semblait tétanisée par ce livre tombé par terre. Prenant sur elle, elle se leva donc de sa chaise pour récupérer le livre posé au sol, et le refermer soigneusement.
« Vous savez, ce n’est pas la peine de vous mettre dans un tel état, je pense qu’il a connu des chutes bien pires... » Avait-elle fait une vague tentative d’humour ? Peut-être bien. Sans aucune conviction, ceci dit.
Machinalement, elle passa ses doigts sur la couverture, alors qu’elle reconnaissait l’œuvre qu’elle tenait dans les mains. Évidemment, elle l’avait lu. Mais ça faisait une éternité qu’elle n’avait pas eu ce livre dans les mains. Ou tout autre œuvre de fantasy, d’ailleurs.

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Dernière édition par Lucy Powell le 07.04.21 13:53, édité 1 fois

Alors que les larmes coulaient désormais sur son visage et que Lucy ne pouvait s’empêcher de fixer le livre, à terre, en essayant de se souvenir au mieux des images qu’elle venait de voir, elle entendit une voix derrière elle.
Elle tourna rapidement la tête (si vite qu’il était fort probable qu’elle se soit froissé un muscle du cou) autant pour la surprise de voir quelqu’un à la table, que le fait qu’elle ne soit pas en état de parler à un inconnu.

"Madame ? Vous allez bien ?"

Lucy s’efforça d’inspirer et d’expirer par le nez, en fixant la jeune femme attablée et d’une voix tremblante lui répondit :

"Oui, enfin non, je ne sais pas…"

Sa réponse la frustra encore plus que tout ce qu’il venait de se passer. Pourquoi ça lui arrivait à elle ? Une chance que la femme en face d’elle ne soit pas une étudiante, tout au plus une collègue, parce qu’entre sa façon de lâcher le livre, de s’avachir sur une chaise sans même prêter attention à ses environs et de pleurer sans raison apparente, des rumeurs auraient pu circuler rapidement.

Lucy tentait, vainement, de rassembler un peu de courage pour s’excuser, ramasser le livre, en récupérer quelques autres et partir l’air de rien, parce que dès lors qu’elle regardait le livre elle se souvenait de ces murs blancs, de ce drap se soulevant et de deux bras l’entourant.

Au moment où Lucy décida qu’il fallait qu’elle parle si elle ne voulait pas qu’on l’enferme pour folie, elle vit la brune assise de l’autre côté de la table, se lever et ramasser le livre.

Le regard de Lucy fixa le livre, désormais fermé, dans les mains dans la brune. Que se passerait-il si elle devait le toucher de nouveau ? Revivrait-elle la même scène ? La suite ? Autre chose ?

Fallait-il qu’elle consulte un psychologue ? Un psychiatre peut-être ? Devrait-elle rentrer chez elle ? Retourner à l’hôpital, leur expliquer qu’il fallait qu’elle récupère ses souvenirs, elle en avait besoin.

"Vous savez, ce n’est pas la peine de vous mettre dans un tel état, je pense qu’il a connu des chutes bien pires…"

Son train de pensées s’arrêta brutalement aux mots de la femme en face d’elle. Ses yeux quittèrent le livre bleu et ils s’arrêtèrent sur le visage de la brune. Elle souffla un grand coup, tentant de maîtriser sa voix.

"Je.. J’ai des hallucinations, de mon ancienne vie." Lâcha-t-elle dans un soupir avant de se masser les tempes.

Sans s'en rendre compte elle venait de dévoiler son "secret" à une inconnue, mais elle n’avait pas tort, c’était son ancienne vie et bien qu’elle ne se souvienne pas de grand chose, il était certain que cela devenait clair pour elle : on lui avait caché une partie de sa vie.

Elle ne se souvenait pas de cette chambre, mais elle était sûre d’avoir déjà vécu cette scène, alors elle devait être réelle, non ?

Mais qui était cette personne qui l’avait prise dans ses bras et avec qui elle partageait apparemment un lit ?

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La jeune femme avait l’air confuse, c’était le moins qu’on pouvait dire. Et sans trop savoir pourquoi ni par quel miracle, Thea avait décidé de ne pas se laisser aller à ses instincts primaires, qui l’auraient plutôt poussée à rester à l’écart, et garder ses distances. Non, pour une fois, elle avait décidé de s’intéresser sincèrement à quelqu’un d’autre, de s’inquiéter même, pour cette jeune femme qui lui répondait, de façon tout aussi confuse. Un nouvel élan de compassion l’envahit. A moins que ce ne soit de la pitié ? Il fallait vraiment que ce soit quelque chose de grave pour justifier de se mettre dans un tel état au milieu d’une bibliothèque publique. Ou dans cet état tout court, d’ailleurs. Elle-même n’imaginait pas que ça puisse lui arriver un jour. Perdre le contrôle ainsi ? En public ? Très peu pour elle. Et puis, ce n’était pas comme si qu’elle s’était elle-même réveillée en sueur, le visage mouillé par les larmes, ce matin même...
Alors, elle s’était levée, avait comblé les quelques mètres qui la séparaient du livre mis en cause, avant de finalement le récupérer. Puis, elle avait fait de l’humour. Enfin, une tentative d’humour. Elle-même n’était pas particulièrement convaincue que ce soit interprété, ou même compris, comme tel. Il fallait dire que l’humour n’était pas vraiment son point fort. Mais avec de la chance, ça suffirait à distraire la jeune femme. Rien que ça, Thea le considérerait comme une victoire. Avec les années, elle avait appris à ne pas être trop exigeante dans ses interactions avec d’autres personnes.
« Je.. J’ai des hallucinations, de mon ancienne vie. »
Globalement, Thea s’était plus ou moins préparée à toutes les réactions, en tout cas toutes celles auxquelles elle aurait pu penser. La jeune femme aurait même pu lui répondre avec dédain, ou avec mépris pour son trait d’humour lamentablement raté, que Thea aurait été prête à rétorquer. Mais alors cette réponse là, elle ne s’y attendait, réellement, pas. Et sa réaction - ou du moins, son absence de réaction - en fut la parfaite démonstration. Pendant plusieurs secondes, elle resta parfaitement immobile, le seul signe de vie qui émanait d’elle demeurant dans ses yeux qui clignaient machinalement. Mais contrairement à ce que laissait penser son immobilité apparente, ses pensées défilaient à une vitesse infernale. Presque trop vite pour qu’elle puisse se dépêtrer de tous ces flux de pensées qui s’entrechoquaient et se contredisaient. Un véritable ballet.
*Comment ça, son ancienne vie ? Mais qu’est-ce qu’elle raconte ? Elle s’est échappé d’un asile ? Pourquoi j’ai voulu lui parler ? Et comment ça des hallucinations ? Quel est le rapport avec Harry Potter ? Pourquoi ça tombe sur moi ? Qui est-elle ? Mais qu’est-ce qu’elle raconte ? Une ancienne vie, quelle idée...*

« Pardon ? »

Sobre, efficace. Elle avait répondu d’une voix neutre, après avoir faire taire toutes les voix qui semblaient vouloir l’amener dans des directions différentes. Elle leva brièvement la tête, le temps de vérifier que personne d’autre n’avait entendu ce que la jeune femme avait dit. Mais personne ne semblait même avoir remarqué qu’elles discutaient. Alors, Thea inspira longuement, essayant de retrouver son calme et ses esprits. A coup sûr, la jeune femme devait juste être un peu perturbée. Rien de bien grave. Ou d’incompréhensible pour son cerveau étriqué.

«Vous devez être un peu fatiguée, non ? Voulez-vous un peu d’eau ? Je vais vous chercher de l’eau. » Elle fit quelques pas en direction du distributeur d’eau, à l’autre bout de la pièce, puis s’arrêta, se retournant de nouveau vers la jeune femme. « Je pense qu’il vous faut plutôt du sucre, non ? Je ne crois pas qu’ils en aient accessible ici... A moins que j’aille vous chercher un café, peut-être ? »

Elle réfléchissait à voix haute, ni plus ni moins. C’était la seule technique qu’elle avait trouvé pour essayer de fuir ce sentiment de malaise intense qui l’avait envahie alors que la jeune femme avait parlé d’ancienne vie. Non mais vraiment, quelle idée farfelue...

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Lorsque Lucy avait lâché la bombe de ses hallucinations, elle ne s’attendait à aucune réponse, ni même à une réaction positive de la jeune femme.
Néanmoins, elle n’avait pas anticipé le fait qu’elle puisse passer pour une folle à cause des propos qu’elle tenait, et elle pensait encore moins être jugée pour ça.

Après un moment de blanc où Lucy fixait la femme face à elle, qui restait jusqu’à présent stoïque, cette dernière ouvrit la bouche.

"Pardon ?"

Et avec ça Lucy baissa les yeux, fixant de nouveau le sol, comme une enfant de cinq ans qui venait de faire une bêtise. En fait, elle en avait fait une. Elle n’aurait jamais dû parler, elle aurait dû prendre des livres et partir. Ses parents avaient raison, elle n’aurait jamais dû partir de New York. Elle n’était pas prête à vivre seule, et encore moins à affronter ce qui lui arrivait, tout cela accompagnée par… personne.

C’est vrai ça, pourquoi voyait-elle quelqu’un avait qui elle partageait apparemment sa vie et pourquoi cette personne n’était pas là, avec elle ?
Depuis son réveil, les seules personnes avec qui elle avait réellement interagi étaient ses parents, et au final, ils ne s’étaient pas vraiment battus pour qu’elle reste à leurs côtés.

De nouvelles larmes s’écharpèrent de ses yeux, et elle les essuya d’un revers de la main. Elle était vraiment seule dans toute cette histoire, personne n’était là pour l’accompagner dans sa nouvelle vie, alors qu’elle savait pertinemment qu’il y avait quelqu’un dans son ancienne vie.
Où était-il ? L’homme avec qui elle partageait sa vie ? Son lit ? Avait-il fui après l’accident ? Ou pire, était-il mort dans l’accident ?

"Vous devez être un peu fatiguée, non ? Voulez-vous un peu d’eau ? Je vais vous chercher de l’eau."

Les mots de la jeune femme sortirent Lucy de sa transe, elle avait oublié qu’elle était au plein milieu de la bibliothèque universitaire, sur son lieu de travail, pleurant parce qu’elle avait fait tomber un livre; du moins c’est ce qu’il semblait se passer d’un point de vue externe aux deux jeunes femmes.

Elle leva les yeux sur la femme, qui désormais se dirigeait vers le distributeur d’eau. Lucy se leva alors, pensant qu’elle serait au moins partie pour une minute ou deux, et se plaça face aux livres Harry Potter. Elle voulait tenter d’en toucher un autre, pour savoir si le même événement intriguant se passerait : elle avait besoin de savoir.

Savoir si c’était commun à tous les livres Harry Potter, à tous les livres tout court ?
Savoir qui était la personne dans le lit avec elle.
Savoir à qui était la chambre dans laquelle elle était.
Savoir pourquoi personne ne s’inquiétait de son état, après un accident de voiture qui l’avait mise dans un coma de 6 mois.
N’avait-elle aucun ami ? Aucun collègue ? Aucun petit ami ? Que faisait-elle dans la vie ?

Elle s’aperçut alors qu’elle ne savait vraiment rien sur les dernières années de sa vie, ses parents avaient toujours évité ses questions avec la fameuse excuse des médecins "les souvenirs doivent revenir naturellement".   Elle avait besoin de réponses.

"Je pense qu’il vous faut plutôt du sucre, non ? Je ne crois pas qu’ils en aient accessible ici... A moins que j’aille vous chercher un café, peut-être ?"

L’autre femme dit dans son dos, elle se retourna alors, pensant la voir arriver avec un verre d’eau, mais apparemment elle n’était pas allée jusqu’au distributeur.
Lucy leva un sourcil, surprise de la voir revenir les mains vides.

"Je vais bien. Je suis désolée de vous avoir dérangée, ce n’était pas mon but."

Elle s’arrêta alors, son regard attiré par le livre Harry Potter toujours posé sur la table.

"Vous avez déjà eu cette impression de déjà vu ?" Demanda-t-elle alors, portant son regard sur la brune face à elle.

Ses yeux étaient encore rougis par les larmes et elle ne put s’empêcher de se mordre la lèvre, se demandant s’il avait été prudent de poser cette question à une personne qui la pensait déjà folle, ou du moins pas très nette.

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« Pardon ? »
Si elle avait eu un ton sec, dont elle était plutôt satisfaite compte tenu de l’état général d’alerte dans lequel se trouvait son cerveau, sa voix laissa quand même paraître un certain degré de jugement. Et visiblement, ce jugement n’était pas du goût de la jeune femme face à elle, qui baissa de nouveau la tête. Et à nouveau, elle se mit à verser quelques larmes, qu’elle essuya rapidement mais qui n’échappèrent pas à Thea. Et cette fois, il n’y avait aucun livre par terre pour le justifier. Tout ceci faisait finalement peu de sens pour l’historienne, qui avait bien du mal à comprendre ce qui pouvait se passer dans la tête de cette jeune âme perdue. Et cela lui demandait un effort considérable, ainsi que toutes les compétences sociales dont elle était capable, pour réussir à ne pas faire fuir la jeune femme qui semblait déjà sur la défensive.
Alors, elle lui proposa de l’eau, d’abord. Puis, revenant sur ses pas, lui proposa un café. De toutes ses forces, elle essaya d’ignorer la sensation étrange qui l’avait gagnée depuis que son interlocutrice avait mentionné ses hallucinations, et son ancienne vie, se concentrant uniquement et exclusivement sur la jeune femme en face d’elle, et ce dont elle aurait besoin pour aller mieux.

« Je vais bien. Je suis désolée de vous avoir dérangée, ce n’était pas mon but. »
Thea voulut lui répondre, dans son plus beau sourire, lui affirmer que non, elle ne la dérangeait pas. Mais déjà, cela aurait été un mensonge éhonté. Et surtout, quelque chose, dans l’attitude de la demoiselle, lui fit comprendre qu’elle n’attendait pas particulièrement de réponse. Alors elle se mordit le bout de la langue, tout en joignant ses mains, toujours le regard fixé sur la jeune femme. Être patiente, ce n’était pas son fort. Et encore moins dans cette situation. Mais lorsque la jeune femme prit de nouveau la parole, Thea se surprit, pendant quelques secondes, à regretter le silence.

« Vous avez déjà eu cette impression de déjà vu ? »

Son premier instinct aurait été de nier, et de fuir. De balayer d’un revers toutes les pensées qui auraient pu la pousser à s’ouvrir, ou même se confier à cette inconnue. Mais son cœur s’était serré. Et son regard croisa les yeux verts qui la fixaient en retour, et ce qu’elle y vit finit par faire tomber les dernières barrières qu’elle avait pu dresser. Tant de vulnérabilité, de sincérité. Et même, peut-être, un appel à l’aide ? Thea baissa légèrement les yeux, répondant d’une voix un peu tremblante.

« Eh bien... j’imagine que cela peut arriver à tout le monde. »

Alors qu’elle parlait, les souvenirs de ce matin-là lui revinrent. Toutes ces choses qu’elle n’avait jamais vécues. Ces lieux qu’elle n’avait jamais visité, autrement qu’en rêves. Ou dans les pages de magazines. Peut-être qu’elle n’était pas la seule à faire ces rêves étranges ? Preuve en était, avec tous ces ouvrages encore ouverts sur la table, témoignant des recherches qu’elle avait entrepris sur ce même sujet. Sa voix s’adoucit, alors qu’elle releva de nouveau ses yeux en amande vers l’étrangère.

« Que vouliez-vous dire par ancienne vie ? »

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Lucy savait bien que son interlocutrice la jugeait, elle sentait dans son regard qu’elle n’était pas à l’aise, mais elle n’avait pu s’empêcher de la relancer avec cette question.
Alors que la brune face à elle baissait les yeux Lucy, elle, continuait de la fixer, peut-être que cette personne vivait la même chose qu’elle, et peut-être qu’elle aurait des réponses à lui apporter. Était-il possible qu’elles soient toutes deux dans une situation similaire, qui permettrait à la jeune professeur de trouver un soutien en cette personne qu’elle avait dérangé dans sa panique ?

"Eh bien... J’imagine que cela peut arriver à tout le monde."

Lucy semblait aussi convaincue par cette réponse que la jeune femme l’ayant donnée. Un petit sourire, sorti de nul part au vu de la situation, vint se coller sur le visage de la brune. Elle voyait bien que son interlocutrice n’avait pas l’air très sereine ni même aussi sûre d’elle qu’au début de leur échange. Sa voix était même tremblante, et cela perturba Lucy. Une fois de plus, elle se retrouva à se demander si elles pouvaient partager une histoire similaire, et peut-être qu’enfin, quelqu’un lui donnerait une autre réponse que "les souvenirs doivent revenir seuls Lucy, sois patiente".

Alors que la brune, toujours debout releva le regard vers Lucy, elle annonça quelque chose qui surprit cette dernière.

"Que vouliez-vous dire par ancienne vie ?"

Lucy déglutit difficilement, elle ne savait pas comment réagir face à cette question. Une grande partie d’elle souhaitait tout dévoiler à cette jeune femme qu’elle ne connaissait pas, ce petit espoir, d’avoir une semblable prenait de plus en plus de place dans son inconscient. D’une autre part, elle craignait que cette femme ne la juge, puisse même dénoncer à son employeur qu’elle n’était pas apte à son poste.

Un flot de pensées ne s’arrêtait pas de traverser son esprit, elle ne savait plus quoi faire ou quoi dire. Elle était terrifiée de ce qu’il pourrait se passer, et ce, dans les deux cas. Alors, comme pour se motiver, elle prit une grande inspiration et répondit d’une traite.

"J’ai eu un accident, il y a un peu moins d’un an, j’ai été plongée dans un coma et à mon réveil, je n’avais plus de souvenirs des dernières années. Parfois, j’ai comme des flashs de ce que j’appelle mon ancienne vie." Elle sourit à ce terme, parce qu’après tout, elle n’avait jamais vraiment pu reprendre cette "ancienne vie".

De la main, elle désigna l’endroit où le livre Harry Potter avait fini sa course plus tôt.

"Et souvent ça revient quand je touche à quelque chose, comme avec le livre…" Elle finit, regardant partout sauf vers la jeune femme.

Elle attendait avec impatience sa réponse, craignant de nouveaux un jugement voire pire.

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Sa dernière question la surprit autant qu’elle avait surpris son interlocutrice. Et alors qu’elle en attendait la réponse, un sentiment d’angoisse commença à s’installer au creux de ses entrailles. Elle n’était pas tout à fait sûre d’être prête à l’entendre, cette réponse qu’elle avait pourtant elle-même demandée. En effet, à ses yeux, la simple notion d’ancienne vie était tout simplement ridicule. Inconcevable. Elle avait un esprit parfaitement cartésien, logique et même scientifique, et il n’y avait aucune place pour le hasard, la religion ou toute autre forme de mysticisme.

« J’ai eu un accident, il y a un peu moins d’un an, j’ai été plongée dans un coma et à mon réveil, je n’avais plus de souvenirs des dernières années. Parfois, j’ai comme des flashs de ce que j’appelle mon ancienne vie. »

Le cœur de Thea se desserra un peu, alors qu’elle écoutait l’explication de la jeune femme. Il n’y avait en fait rien de mystique, ou d’inexpliqué, dans son histoire. Il s’agissait juste d’un d’accident. Terrible, certes, mais c’était une chose qu’elle pouvait s’expliquer de façon rationnelle, et c’était tout à fait acceptable à son goût. Elle répondit même au sourire de la jeune femme, en lui souriant à son tour. Ce n’était peut-être pas pour les mêmes raisons, ceci dit, mais le principal était qu’elle s’était instantanément détendue, et était maintenant toute disposée à écouter l’histoire de son interlocutrice.
« Et souvent ça revient quand je touche à quelque chose, comme avec le livre… » Thea suivit son geste du regard, vers le sol, là où le livre était tombé un peu plus tôt. Elle hocha lentement la tête, les yeux compatissants.

« Je vois... J’avoue que je ne m’attendais pas à cela quand vous avez parlé d’une ancienne vie, mais je comprends ce que vous voulez dire. Enfin, pas vraiment, mais je comprends que ça doit être difficile... »

Elle se saisit du livre incriminé, auparavant posé sur la table, et promena ses longs doigts fins sur sa couverture. Qu’espérait-elle en faire, au juste ? Elle-même n’en était pas sûre.

« Vous pensez que ça peut avoir un rapport avec cette œuvre en particulier ? »

Elle releva ses yeux, maintenant curieux, vers son interlocutrice.

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Lucy commença à se détendre un peu lorsqu’elle vit un sourire sur le visage de la brune face à elle. Il n’était jamais facile de se confier, encore moins à une inconnue qui ne laissait pas grand chose transparaître. Raconter son histoire n’était pas la partie préférée de Lucy, surtout qu’elle n’avait pas vraiment eu l’occasion d’en parler depuis son réveil. Ses parents évitaient le sujet, ne lui apportaient aucune réponse et avec des inconnus, elle craignait le jugement ou même d’être prise pour une folle.

"Je vois... J’avoue que je ne m’attendais pas à cela quand vous avez parlé d’une ancienne vie, mais je comprends ce que vous voulez dire. Enfin, pas vraiment, mais je comprends que ça doit être difficile…"

La jeune femme se saisit du livre et Lucy eut presque un mouvement de recul, au final, elle n’était pas sûre de vouloir le toucher de nouveau de sitôt.

"Vous pensez que ça peut avoir un rapport avec cette œuvre en particulier ?"

Lucy se put s’empêcher de hausser les épaules en soufflant à cette question. Le changement de comportement de la brune face à elle la fit rire intérieurement, elle semblait désormais curieuse d’en savoir davantage sur l’histoire de Lucy.

Néanmoins, la professeur se demanda quelques instants si elle devait parler de ses visions, elle avait déjà subi assez de stress et de jugement pour une journée. Elle décida alors de faire mine d’être sûre que ce soit un souvenir et non pas juste quelque chose qu’elle ne comprenait pas vraiment.

"J’ai eu comme une réminiscence d’un moment de ma vie passée, il y avait ce livre sur la table de chevet." Dit-elle en montrant le livre des yeux.

"Il y avait aussi quelqu’un avec moi… Mais je ne sais pas qui…" Ajouta-t-elle, baissant les yeux vers ses mains et jouant avec ces dernières.

"Peu de souvenirs d’avant sont revenus. Je ne me souviens que clairement de mes années lycées et avant…" Annonça-t-elle. "Sauf que depuis, je suis allée à la fac, j’ai eu une vie de couple et j’ai été diplômée dans la littérature." Finit-elle en regardant autour d’elle.

C’était plutôt ironique de raconter son histoire ici, au milieu de bouquins, elle rit alors, elle ne savait plus vraiment où elle se situait dans ses émotions, elle avait vraiment envie de pleurer, plus que de rire en fait.

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Ce qui était certain, c’est que Thea avait été loin d’imaginer avoir une interaction pareille en venant à la bibliothèque. Déjà, le simple fait d’avoir une interaction plus développée que celle qu’elle avait eue avec le bibliothécaire lui avait semblé étonnant. Alors, avoir une conversation avec une parfaite inconnue, sur un sujet extrêmement personnel qui plus est, aurait été inconcevable ce matin-même. Mais ce n’était même pas le plus surprenant, encore. Le plus surprenant, c’est que son humeur avait changé du tout au tout, entre le début de la conversation, et maintenant. Outre le fait qu’elle avait été agacée d’être interrompue dans sa lecture, elle n’avait clairement pas vu d’un bon œil les questions posées par cette inconnue. Mais après quelques instants, elle avait fini par réaliser que ce n’était pas vraiment de la curiosité mal placée, mais plutôt une espèce d’introspection que cette inconnue avait voulu projeter sur une autre personne, pour mieux la comprendre. Finalement, cette jeune femme avait un coup d’avance, et bien plus de courage qu’elle-même, qui n’osait même pas imaginer, pas une seule seconde, partager ses interrogations avec quelqu’un d’autre, qui que ce soit.

Alors, Thea s’était finalement intéressée à son histoire, lui posant des questions, essayant de comprendre ce qui lui arrivait. D’une certaine façon, le fait de se concentrer sur les problèmes d’une autre personne lui permettait de mettre de côté ses propres interrogations, et sa propre quête. Et à vrai dire, ce n’était pas plus mal, vu comme celle-ci la terrifiait - mais elle n’était clairement pas prête pour ce genre de conversation.

« [...] Sauf que depuis, je suis allée à la fac, j’ai eu une vie de couple et j’ai été diplômée dans la littérature. »
« Je vois. »

Elle hocha la tête lentement, tentant d’assimiler toutes les informations qu’on lui donnait. Malgré sa réponse, elle avait du mal à imaginer ce que ça faisait, d’avoir tout un pan de sa vie dont on n’avait aucun souvenir. Mais assez curieusement, elle avait été prise d’un élan de sympathie pour cette personne qu’elle venait pourtant de rencontrer. C’est ainsi que, remarquant la confusion dans son regard, Thea prit l’initiative de lui proposer une porte de sortie.

« Vous voulez aller prendre l’air ? Je pense que nous serons plus à l’aise à l’extérieur pour continuer cette discussion. » Déjà, parce qu’elle était consciente des oreilles indiscrètes qui pouvaient facilement traîner dans une bibliothèque. Et puis, parce que les personnes autour d’elles commençaient à leur lancer des regards agacés, et qu’on n’allait probablement pas tarder à les mettre dehors.

La jeune femme accepta, et après avoir refermé et rangé les livres qu’elle avait elle-même utilisés, les deux brunes prirent la direction de la sortie. Une fois à l’extérieur, l’inconnue continua son explication, qui au bout d’un moment, se transforma en simple conversation autour d’un café.

Oh, et éventuellement, elles finirent par s’échanger leurs prénoms. Et Thea enregistra le numéro de Lucy, qui fut rapidement mis en favoris.

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