The work of art is a scream of freedom. ➸ Thea

   

The work of art is a scream of freedom

C’était une journée plutôt calme au musée. Bon, tous les jours étaient « calmes « selon les critères de miss Templeton, qui avait été longtemps habituée à la frénésie du British Museum, l’un des plus grands musées de Londres. Il y avait quand même moins de touristes à Santa Barbara, même si le charme californien avait son petit effet. Elle-même, depuis son arrivée, s’était risquée plusieurs fois à se perdre volontairement dans les rues du vieux quartier, ou encore faire des ballades le long de la plage. Mais presque deux ans après son installation, devait-elle encore se considérer comme une touriste ? Après tout, elle avait encore tellement de choses à voir et à découvrir, et elle n’avait pas réellement noué de contacts significatifs. Autant dire qu’elle n’avait pas grand chose qui la retenait en ville, si ce n’était qu’elle s’y sentait bien. Mieux qu’à Londres, c’était certains, et infiniment mieux que dans n’importe quelle ville qu’elle avait eu l’occasion de visiter. D’une certaines façon, cette ville avait même fini par la rendre un peu plus aimable.

D’ailleurs, elle était devenue tellement aimable qu’il lui arrivait même parfois de laisser ses employés prendre leur après-midi. Comme ce jour-là, où la fréquentation était largement gérable seule. Il lui restait juste une personne à l’accueil, et une autre à la sécurité, mais elle était seule à gérer les visiteurs à l’intérieur du musée. Ce n’était pas quelque chose qu’elle faisait souvent, étant le plus souvent scotchée à son bureau, mais ce jour-là elle avait eu envie d’un peu de changement. Elle déambulait donc dans les couloirs, jetant un œil ici et là pour vérifier que personne ne dégradait les œuvres sous sa responsabilité, mais comme à leur habitude, les visiteurs se comportaient plutôt bien. Arrivée dans la section Asie, elle remarqua une jeune femme qui semblait fort intriguée par une œuvre japonaise. C’était une représentation sur toile, librement inspirée d’une autre œuvre de la même période, qui avait eu un peu plus de succès. Pour Thea, cependant, la déconstruction et le chaos qui se dégageaient de celle-ci étaient bien plus fascinantes. Ainsi, elle décida de s’arrêter quelques minutes pour s’en imprégner, un peu en retrait de la jeune femme pour ne pas la déranger. Après quelques instant, cette dernière brisa le silence, exprimant son admiration pour l’œuvre. D’abord étonnée, Thea marqua un temps d’arrêt, car elle n’était pas sûre que la jeune femme s’adresse véritablement à elle. Mais après quelques secondes d’hésitation, elle finit par lui répondre.
« Absolument ! C’est une œuvre particulièrement importante pour l’art Japonais, parce qu’elle fait partie de ces travaux qui ont défini un style qui a existé au dix-neuvième siècle et qui n...»
Elle s’arrêta net, réalisant qu’elle s’était lancée dans un étalage de connaissance en règle alors qu’on lui avait posé une question toute simple. Confuse, elle reprit, avec un sourire gêné.
« Pardon. Oui, c’est très beau. C’est d’ailleurs un de mes préférés de cette section. » Toujours le sourire aux lèvres, elle inspira un grand coup. Heureusement qu’on ne l’avait pas engagée pour sa facilité d’interaction avec les visiteurs...

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Le moins que l’on pouvait dire, c’est que Thea n’étais pas très à l’aise avec les gens. Ça, pour parler devant une audience impersonnelle et faire un discours qu’elle connaissait par cœur, il n’y avait aucun problème ! Mais alors, avoir une conversation toute simple dans les couloirs du musée, avec une jeune visiteuse, elle en perdait tous ses moyens. Surtout quand cette dernière s’amusait de ses réactions, et prenait même la liberté de la tutoyer, sans prévenir, juste comme ça. Encore une fois, Thea eut quelques secondes de blocage, avant de finalement retrouver ses moyens.
« Euh... Oui, l’audioguide ! C’est vrai qu’il a son prix, mais j’imagine que tout le monde ne s’en satisfait pas forcément. Vous aur... Tu aurais préféré un guide un peu plus interactif, j’imagine ? Je ne sais pas ce que les jeunes utilisent maintenant. »
Manifestement, la jeune fille ne savait pas à qui elle s’adressait, et Thea vit, là, l’opportunité de trouver de nouvelles idées pour attirer un nouveau public. Un public plus jeune, justement. Parce que de toute évidence, son interlocutrice aurait sûrement des réponses à lui apporter, vu qu’elle semblait plutôt jeune. En fin d’adolescence, ou alors une jeune adulte, tout au plus.

Puis la jeune femme se retourna vers le tableau qui avait, de nouveau, absorbé son attention. Et lorsqu’elle parla de sorcellerie, ce fut à Thea de s’amuser de sa réaction, souriant légèrement. C’était toujours attendrissant de voir de nouvelles personnes se découvrir une connexion avec une certaine œuvre. « Oui, il fait souvent cet effet-là. Ça doit être à cause de tous les petits détails qui se cachent entre les lignes. Je pense que je pourrais passer des heures à l’observer... » La directrice se retourna brièvement vers la jeune fille, et se rendit compte que celle-ci semblait être ailleurs. Pendant un instant, elle hésita à l’interrompre, mais se permit quand même d’ajouter : « Il y en a d’autres du même style, un peu plus loin dans le couloir. Si ça t’intéresse. »

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Était-ce à cause de son milieu professionnel, ou alors de son manque de curiosité envers les autres, elle ne saurait le dire, mais ce qui était sûr, c’est que Thea avait très peu l’habitude d’interagir avec des personnes aussi jeunes. Et c’était une chose qui se ressentait, dans la moindre de ses paroles, et le moindre de ses mouvements. Même sa posture témoignait d’une tension certaine au niveau des épaules, signe d’un certain malaise. Mais malgré tout, elle essayait de minimiser tous ces signes de stress, essayant autant que possible de paraître normale. Et c’est sans doute la raison pour laquelle elle essaya de contenir sa réaction lorsque la demoiselle lui expliqua qu’elle se fichait bien de connaître la véritable histoire derrière les tableaux, préférant s’imaginer des idées farfelues à base d’empereurs et de geishas. Pour l’historienne qu’elle était, c’était une hérésie, et elle ne put s’empêcher un froncement de sourcils. Mais alors que la jeune fille terminait sa phrase, le visage de Thea se détendit de nouveau. Il fallait vraiment qu’elle apprenne à être plus tolérante, surtout si elle espérait pouvoir attirer un nouveau public au musée.
« C’est intéressant comme histoire ! Malheureusement, ce n’est pas très fidèle à la réalité. Mais j’imagine qu’on peut trouver un juste milieu entre la réalité et l’imagination, qui puisse convenir à tout le monde. »
Elle n’était pas très convaincue, là comme ça, mais peut-être que cette conversation était l’occasion d’envisager son métier sous un nouveau jour, auquel elle n’avait pas pensé jusque là.
La jeune fille enchaîna, concluant sur cette histoire d’audioguide, de laquelle tout était parti, finalement.
« Oui, je vois. Disons que l’audioguide est la solution de facilité pour laisser le plus de liberté possible à toutes les personnes qui le souhaitent, mais il n’y a pas réellement de solution miracle, malheureusement. Mais espérons que la technologie nous permette bientôt d’en trouver une. » Elle esquissa un léger sourire, un peu désolée de ne pas pouvoir apporter une solution concrète à la jeune fille.

Lorsque Thea mentionna les autres tableaux, un peu plus loin dans le couloir, elle ne s’attendait pas à ce que la jeune fille réagisse avec autant d’entrain. Mais après tout, elle commençait à se dire qu’il ne fallait plus qu’elle s’étonne de rien, avec elle. Elle hocha donc la tête, lui adressant un large sourire. « Avec plaisir ! » D’un petit signe de la main, elle lui indiqua la direction à prendre. Et alors qu’elles avançaient, la directrice se lança dans son explication, adoptant une voix de guide touristique. « Alors, l’œuvre vers laquelle nous nous dirigeons maintenant est également datée de la fin du dix-neuvième siècle, peu de temps après celle que nous venons de quitter. Elle représente...» Thea s’arrêta devant l’œuvre en question, en même temps qu’elle s’arrêta de parler. Elle contempla la toile pendant quelques secondes, avant de se retourner vers la jeune fille.
« J’aimerais bien savoir ce que toi, tu en penses ? Que t’inspire ce tableau ? » Toujours avec un léger sourire, elle attendit patiemment sa réponse. Et surtout, curieuse de savoir ce que cet esprit libre allait imaginer sur cette nouvelle toile.

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En tant qu’historienne, et exerçant un métier qui lui permettait de transmettre ses connaissances à un public moins averti, Thea éprouvait une certaine satisfaction à chaque fois qu’elle avait l’occasion de partager son savoir. Elle se sentait comme investie d’une mission, dans ces moments-là, et il lui arrivait même parfois d’éprouver de la compassion pour les plus ignorants qu’elle rencontrait. De toute façon, ses airs condescendants étaient souvent pardonnés - du moins, c’était ce qu’elle se disait. Mais elle n’avait jamais eu l’occasion de se retrouver seule à seule, face à une personne aussi expressive et imaginative que cette jeune femme. Et Thea fut surprise en lisant la déception sur son visage, après lui avoir expliqué que l’idée qu’elle se faisait du tableau était fausse. La directrice se rendit alors compte que son interlocutrice n’avait en fait aucune envie de connaître la vérité, et souhaitait plutôt se satisfaire de son idée à elle, bien plus fantaisiste. Était-ce ça le secret pour atteindre les jeunes ? Ajouter du mystère et du fantasque à ces œuvres aux histoires banales et sans intérêt ? Thea fronça de nouveau légèrement les sourcils, bien plus pensive cette fois. « Restons sur ta version, pour le moment. » Elle lui adressa un sourire entendu.
Puis, la jeune femme mit un terme à la conversation sur les audioguides, évoquant un point de vue qui, de nouveau, surprit Thea. Elle qui pensait que tous les jeunes raffolaient de technologie, s’était visiblement trompée. Elle ne répondit rien de plus et se contenta de hocher lentement la tête, notant cette information pour plus tard.

Alors qu’elles avançaient vers le prochain tableau, la jeune femme se présenta à elle, et Thea se rendit compte que celle-ci n’avait toujours pas conscience de qui elle était. Certains guides de musées portaient des badges et autres signes distinctifs pour se démarquer des visiteurs et se rendre plus visibles. Il y en avait même qui affichaient leur prénom pour permettre une meilleure proximité. Mais Thea ne faisait ni l’un ni l’autre. En fait, elle n’était même pas vraiment guide. Et sa tenue, bien que tirée à quatre épingles, était parfaitement neutre. Alors forcément, la jeune Rosa ne savait pas à qui elle avait affaire. « Enchantée Rosa, moi c’est Thea. » C’était très rare qu’elle se présente par autre chose que son nom. Mais sur le coup, elle se voyait mal faire autrement.

Elles avaient continué donc, et arrivées devant la nouvelle toile, Thea avait décidé de demander à Rosa ce qu’elle en pensait. C’était assez inédit pour elle. Pour une fois, plutôt que d’être celle qui parlait, qui expliquait ce qu’elle savait, c’était une parfaite inconnue, - et parfaite novice, visiblement - qui lui racontait ce qu’elle imaginait. C’était un peu comme si que les rôles étaient inversés, et la directrice commençait presque à y voir un certain intérêt. Elle hocha la tête avec entrain, regardant tour à tour le tableau, puis Rosa. « Tu n’es pas loin, il y a effectivement une histoire de chauve-souris ! » Elle croisa les bras, observant la jeune femme avec un peu plus d’insistance. Elle venait d’avoir une idée, un peu folle, et qu’elle regretterait peut-être. Mais pour le moment, elle n’arrivait pas à se la retirer de la tête. « Est-ce que ça t’arrive souvent d’imaginer des situations comme ça, en regardant un tableau ou en écoutant une œuvre ? Je ne sais pas si tu viens souvent ici, mais tu te sentirais capable de le faire pour d’autres œuvres du musée ? »

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Elle s’était présentée, donc, par son prénom qui plus est. Enfin, son prénom courant du moins. Et elle était encore occupée à se demander depuis combien de temps elle n’avait pas fait une telle chose, que la jeune fille enchaîna, lui demandant cette fois si elle travaillait ici. Thea eut un léger sourire, ayant soudainement l’impression d’avoir été démasquée - était-ce vraiment son but, ceci dit, de se faire passer pour une visiteuse ? Et était-elle crédible dans ce rôle ? Rien n’était moins sûr. « Oui, je travaille ici. Je suis même la directrice du musée, pour être exacte. » Une pointe de fierté s’était faufilée dans sa voix, alors qu’elle finissait sa phrase.

Puis, après avoir écouté Rosa lui parler de ce que le prochain tableau lui inspirait, elle avait eu une idée, et avait décidé de l’interroger, lui demandant si elle aurait été capable de faire la même chose avec d’autres œuvres. Ce n’était pas complètement désintéressé, bien sûr. Et c’était sûrement un peu fou et audacieux comme projet, mais l’une des choses qu’on lui reprochait le plus dans son métier était son manque d’imagination, et d’inventivité. De ce qu’elle venait de voir, Rosa était toute indiquée pour pallier à cela. « Disons que ce n’est pas courant d’avoir une personne qui peut décrire avec autant de précision ce qu’elle imagine. D’ailleurs, je ne sais pas si tu t’es déjà essayée à l’art, mais tu m’as tout l’air d’avoir l’âme d’une artiste, Rosa. » Elle marqua une pause, le temps d’observer sa réaction, puis continua. « En effet, chacun voit ce qu’il a envie de voir dans une œuvre, et c’est particulièrement le cas pour celles du courant abstrait, qui ont plus pour vocation de déclencher une émotion, plutôt que de présenter une situation ou raconter une histoire. »

Elle reporta son attention vers le tableau qu’elles avaient devant elles. Celui-ci ne représentait pas forcément ce dont elle venait de parler, mais il avait le mérite d’avoir quand même titillé l’imagination de la jeune fille. « Tu ne vois peut-être pas exactement de quoi je parle, si tu ne viens pas souvent ici. Mais je me demandais si tu serais intéressée à l’idée de te balader dans le musée, et pourquoi pas, enregistrer ce qui te vient en tête. en voyant les œuvres. Tu pourrais le considérer comme un projet artistique, si tu le souhaites. »

A n’en pas douter, c’était un projet qui ne ferait pas que des heureux, et il faudrait sûrement qu’elle fasse des pieds et des mains pour qu’il voie le jour. Mais si Rosa était partante, elle était prête à le faire. Et elle était sûre que c’était une initiative qui permettrait de toucher un public différent de celui qu’elle croisait habituellement au musée.

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Que faut-il faire pour être directeur de musée ? Eh bien, c’était une très bonne question. Et Thea eut un petit sourire, légèrement amer, en réfléchissant à ce qu’il avait fallu faire pour en arriver là. Pour sa part, c’était un nombre incalculable d’heures et d’investissement, et l’absence totale de vie privée. Mais c’était largement compensé par la satisfaction d’en être là, ainsi que la fierté que lui évoquait son parcours. Pour rien au monde, elle n’aurait changé quoi que ce soit. Elle prit une grande inspiration. « Je pense qu’il faut avant tout être passionné, et avoir une grande curiosité pour l’art, sous toutes ses formes... Mais il faut également avoir la tête sur les épaules. Après tout, ça reste un établissement ouvert au public, avec des employés, et des visiteurs à satisfaire. C’est un savant mélange, et un équilibre à trouver, je dirais. » A vrai dire, ce n’était pas vraiment son premier choix. Après des années passées à évoluer dans la hiérarchie du British Museum, son ambition se portait plutôt sur les postes de direction dans le musée d’histoire londonien. Mais après qu’on lui ait fait comprendre que ça n’arriverait pas, elle avait fini par accepter ce poste-ci. La direction d’un musée d’arts, dans une petite ville californienne. Avec le recul, elle n’avait aucun regret, et se sentait exceptionnellement bien à Santa Barbara. Mais clairement, ça n’aurait pas été son premier choix, si on le lui avait donné.

Rosa lui parla de son habitude de griffonner dans un carnet, et d’avoir même dessiné certains de ses tatouages. Pour le coup, Thea n’y connaissait pas grand chose dans l’art moderne du tatouage, mais elle mettait un point d’honneur à garder un esprit ouvert sur ces nouvelles formes d’art. Le cinéma en était également une, et même si elle ne mettait pas souvent les pieds dans une salle sombre, cela ne l’empêchait pas de savoir apprécier un vieux classique. « L’art existe sous tellement de formes différentes, il ne s’arrête pas uniquement à des peintures ou des sculptures. La photographie, le cinéma, même le tatouage... Tous ces supports qui permettent à un artiste de s’exprimer, ont tout autant de valeur. » Elle marqua une pause en observant la jeune fille et sa dégaine particulière. « Je pense qu’être artiste, c’est surtout une question de personnalité. Et chaque artiste a sa propre façon de s’exprimer, quel que soit le support. »

Après sa proposition, Thea sentit que Rosa n’était pas particulièrement convaincue. Elle décida cependant d’être parfaitement transparente. « Pour le musée, ça pourrait être une occasion de proposer un point de vue différent, et de se démarquer en atteignant un nouveau public, plus jeune je dirais. » Elle leva la tête, constatant qu’il n’y avait plus personne dans le couloir. Elle fit un léger signe de la main dans la direction d’une porte un peu dérobée, qui était en fait une entrée de service. « Si cela t’intéresse, nous pouvons en discuter dans mon bureau, si tu es d’accord ? »

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La réponse de la jeune femme décrocha un sourire à Thea. Évidemment que, dans un monde idéal, chaque personne pourrait exercer le métier de ses rêves, avec passion et envie. Mais ce n’était malheureusement qu’une utopie. Dans la vraie vie, il y avait encore bien trop de personnes qui exerçaient ce qu’on appelait couramment des jobs alimentaires. D’une certaine façon, Thea se savait chanceuse de pouvoir exercer ce métier, et d’avoir eu les opportunités qu’elle avait eues dans sa vie. Même si pour être honnête, elle avait quand même l’impression de travailler lorsqu’elle venait au musée. Non, si elle avait dû vraiment suivre ses rêves, elle aurait sûrement été archéologue, ou autre chose de ce genre. Et non, avoir la tête sur les épaules, ce n’était pas donné à tout le monde non plus. « C’est pour cela qu’il y a les artistes, les rêveurs, et ceux qui ont suffisamment la tête sur les épaules pour les aider à se promouvoir, et partager leur talent avec le monde. » Son sourire s’agrandit. Elle n’était pas une artiste, loin de là. Mais elle faisait partie de la deuxième catégorie, et était plutôt douée, d’ailleurs.

L’expression était le propre de l’homme. C’était une théorie intéressante, qui fit réfléchir Thea pendant quelques instants. Dans l’absolu, ce n’était pas complètement faux. Mais certaines personnes étaient tout de même plus disposées que d’autres à s’exprimer en touchant un large public. « Bien sûr, je suis d’accord avec toi. Mais tu sais, tout le monde est capable de prendre un pinceau et peindre sur une toile. Mais tout le monde ne s’appelle pas Claude Monet. » Quoi qu’elle en disait, Thea était persuadée que Rosamund aurait plein de choses intéressantes à exprimer, si elle parvenait à trouver le support qui lui correspondait. Mais il fallait qu’elle le découvre seule, et la directrice décida de ne pas insister.

De la même façon, elle fit marche arrière en voyant l’hésitation de la jeune femme quant à sa proposition. Certes, celle-ci était un peu soudaine, et peut-être un peu inappropriée. Quelle idée avait-elle eue de proposer cela à une simple visiteuse... ? « Oui, je comprends. C’est un peu surprenant comme idée, je suis désolée. Laissons tomber. » Elle se redressa, et perdit un peu de son sourire, soudainement plus tendue. De nouveau, elle jeta un œil à l’entrée de service, mais cette fois, plutôt comme une échappatoire. « Tu as d’autres questions ? Si non, je vais retourner à mes occupations, et te laisser continuer ta visite tranquillement. » Elle fit un pas en direction de la porte, démontrant sa volonté d’y disparaître rapidement - mais poliment.

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