You don't need a silver fork to eat good food. ➸ Amelia

Amelia avait l’habitude ce genre de soirées mondaines, depuis qu’elle avait sorti son premier livre autobiographique (qu’elle n’avoue cependant qu’à moitié) « The moon is not always full ». Ses parents, éditeurs connus, n’avaient eu aucun scrupule à enseigner à leur fille comment se comporter lors de telles soirées caritatives, à rentrer dans une case et à ne surtout pas dépasser.

La jeune femme boit donc son verre de champagne et parle aux différentes gens influentes qui se présentent à elle. Amelia est comme un poisson dans l’eau ; elle a vraiment trop l’habitude de ce genre d’endroits. Alors elle laisse son regard s’échapper autour d’elle, quelques instants, à la recherche de quelque chose d’intéressant. Quelque chose qui la stimulerait un peu plus que… parler de bébés phoques. Parce que oui, ça la touchait, certes, mais elle avait un bouquin à écrire, et des bouquins à étudier aussi.

Elle remarque, après avoir sondé un moment les lieux, une jeune femme qui a l’air un peu perdue. Ce qui l’a vendue ? Sa manière de tapoter sur son verre. Il n’y a que les gens ennuyés qui font ça, les autres n’ont pas le temps de s’adonner à une telle occupation, ils sont bien trop fourrés à parler des bébés phoques. Mais Amelia, elle n’a pas envie de parler des bébés phoques. Elle a envie de tapoter sur son verre de champagne, avec elle. C’est ce qui lui traverse l’esprit. Alors elle s’approche de la jeune femme, et tapote doucement avec un doigt sur son épaule : « Hello ! Tu t’ennuies, toi aussi ? »

Certes, Amelia avait l’habitude de ces soirées, mais ce n’est pas pour autant qu’elle les appréciait. Elle sourit à la jeune femme et continue, un peu comme un tourbillon. « J’imagine que les bébés phoques ce n’est pas vraiment ta tasse de thé ? » lui lance-t-elle, avec un sourire complice et un clin d’œil. « Ou alors est-ce la soirée en elle-même ? » Amelia a hâte de comprendre.

Amelia a tellement l’habitude de ce genre de soirées mondaines qu’elle a oublié que pour certains, ça peut être un vrai calvaire. C’est ce qu’elle se dit au moment où elle engage la conversation avec la jeune femme devant elle. Elle imagine que la personne en face d’elle a du mal à se sentir à sa place dans toute cette agitation, peut-être. Elle imagine beaucoup de choses ; elle est écrivaine. Peut-être même qu’elle pourrait s’inspirer d’elle pour un personnage dans son prochain roman.

Elle sourit en ayant cette pensée et se recentre sur son interlocutrice. « Un petit peu. » Oh, quelqu’un d’un petit peu timide peut-être ? Ou alors elle est juste honnête et elle ne s’ennuie qu’un petit peu, comme elle dit. Et puis, elle vient quand même de se faire accoster par une totale inconnue qui lui pose une question assez personnelle sur son état d’esprit. Ca peut être déstabilisant. Amelia fait un mouvement de la tête pour indiquer qu’elle comprend. « Je ne connais pas grand monde ici, personne avec qui faire les quatre cents coups. » Amelia laisse s’échapper un petit rire ; alors comme ça, son interlocutrice serait une semeuse de trouble ? Aucune idée, mais c’est l’image qu’elle projette en tout cas. « Je vois. Enfin, je crois. Qui n’aurait pas envie de faire les quatre cent coups à une soirée comme celle-ci ? » En vérité, elle fait un peu semblant. Elle n’a pas particulièrement envie de semer la pagaille dans ce genre de soirée. Elle a un minimum de respect, quand même. Même un maximum, quand on la connait, en fait. Mais la jeune étudiante est si solitaire qu’elle est prête à lâcher quelques phrases bien placées pour s’attirer l’amitié de certaines gens. Et alors qu’elle pensait avoir peut-être touché en plein dans la cible en visant le sujet des bébés phoques peut être inintéressants pour son interlocutrice, elle réalisa qu’elle se trompait royalement. « Oh si, les bébés phoques ça m'intéresse et je trouve que c'est important comme cause. Après tout, le réchauffement climatique est un fléau qui a beaucoup trop d'impact sur la faune et la flore et le moindre geste qui peut réduire cela est important. » Amelia arrive à placer un petit « Tu as raison » avant que la jeune femme poursuive. « C'est juste que je trouve ce genre de soirée hypocrite ! On fait de la prévention contre le réchauffement climatique pour préserver la vie des bébés phoques, qu'il faut faire attention aux petits animaux tout mignon mais... Regardez toute l'électricité utilisée, le chauffage qui est à fond, la nourriture dont la moitié finira surement à la poubelle, la moitié des femmes ont des manteaux en fourrure... Ça me dépite. »

Wow. Amelia ne s’attendait pas à un commentaire aussi profond et prononcé de la part de son interlocutrice qu’elle venait de rencontrer, mais soit. Ca l’arrangeait, qu’elle soit directement un peu bavarde comme ça ! C’est vrai que pour le coup, l’écrivaine n’avait jamais trop réfléchi à l’hypocrisie de ce genre de soirées. « Je ne voulais pas venir, mais c'est mon manager qui a insisté. » Ah ! Voilà un sujet sur lequel elle pouvait rebondir. Mais d’abord, il fallait bien qu’elle réponde au quasi-monologue de son interlocutrice. « En premier lieu, je trouve que tu as raison sur l’hypocrisie de ces soirées mondaines. J’imagine que j’en ai tellement l’habitude que je n’y ai jamais réfléchi… honte à moi ! » Pour le coup, l’écrivaine avait vraiment honte de ne pas y avoir pensé. Au moins elle aurait compris quelque chose aujourd’hui, elle aurait eu une discussion tout sauf superficielle avec quelqu’un. Elle ne s’était pas trompée de personne à qui parler. « Ton manager, tu dis ? Tu fais quoi dans la vie ? » Et puis, parce qu’elle en oubliait carrément ses manières… « Je suis Amelia au fait, Amelia Woolf. Et toi, comment puis-je t’appeler ? » L’étudiante avait cette manière un peu formelle de parler, sûrement due à l’éducation de ses parents et son côté littéraire. Désormais, elle était plus que motivée à en apprendre plus sur son interlocutrice.

feat. @Pearl Hartley

Amelia imaginait déjà comment elle pouvait romantiser cette rencontre alors qu’elle venait à peine de se dérouler. Elle était comme ça, l’écrivaine ; rêveuse, un peu naïve, la tête dans les étoiles… mais c’est ce qui faisait son charme. Surtout, elle était prête à presque tout pour se faire des amis (et pourtant elle laissait difficilement quelqu'un s'attacher à elle) ; elle qui était si solitaire… c’est sûrement dans cette optique même inconsciente qu’elle avait abordé la jeune femme paumée au milieu de cette soirée caritative. L’étudiante voulait connaître une vie un peu plus normale, c’est pour ça qu’elle aimait être toujours à l’université et pas que cette écrivaine de plus en plus connue grâce à son premier livre. Bon, la petite célébrité n’avait pas que des inconvénients, loin de là, elle était bien traitée dans la plupart des endroits où elle allait. Aujourd’hui tout particulièrement, on reconnaissait sa place dans une soirée comme celle-ci. Pourquoi ? Elle n’avait rien à voir avec les bébés phoques et son livre non plus. Mais bon, pourquoi pas… toujours est-il qu’elle désirait s’échapper un peu en parlant avec la jeune femme qu’elle avait accostée, qui lui répondit quelque chose qui fit penser à Amelia qu’effectivement, elle ne se sentait pas très à l’aise. Ou en tout cas, que ça aurait pu mieux aller. « Oui, j'avoue que ça ne ferait pas de mal de mettre un peu plus d'ambiance à cette soirée... Si j'entends encore une fois les quatre saisons de Vivaldi, je vais devenir folle ! Enfin, j'aime bien... Mais une fois suffit ! » A ces paroles, l’écrivaine rit en acquiesçant. Elle avait bien raison, la playlist de la soirée était un peu répétitive et redondante. « Je crois que je supporte mieux que toi. » dit-elle, témoignant encore une fois de l’habitude qu’elle avait de ces soirées.

Puis après son petit monologue, il y eut un petit blanc et la jeune femme eut l’air de quelque peu regretter d’avoir « autant » parlé. « Désolée, je parle de trop, mais l'écologie est un des sujets qui me tiennent à coeur. » Amelia ne voulait pas qu’elle se sente gênée d’avoir parlé de ce qui pouvait la passionner d’une manière ou d’une autre. « Ne t’excuse pas, il n’y a pas de soucis ! » Elle voulait s’assurer que son interlocutrice se sente bien. Celle-ci enchaina. « Tu n'es pas la seule à t'en rendre compte ne t'en fais pas. Quand on grandit dans ce genre de milieu, on n'en voit pas les travers... Enfin, si ça se trouve, tu es nouvelle dedans aussi. » Nouvelle, nouvelle, pas vraiment, ça faisait déjà quasiment six ans qu’elle s’était retrouvée propulsée dedans… des fois, elle se demandait à quoi ressemblerait sa vie si elle n’avait jamais été publiée grâce à ses parents. « Non, on ne peut pas vraiment dire que je sois nouvelle dans le milieu, enfin, je ne pense pas. » Définitivement pas. Le livre d’Amelia avait eu du succès très rapidement et elle s’était retrouvée dans les soirées mondaines encore plus rapidement, dans l’année de ses seize à ses dix sept ans. Elle était devenue une adepte du maquillage pour espérer faire un peu plus vieille que son âge. Elle se sentait déjà un peu plus légitime depuis qu’elle était devenue majeure, même si elle était passée par la case tentative de suicide à cause de sa maladie… L’écrivaine chassa rapidement ces pensées et écouta son interlocutrice qui reprit la parole en répondant à la question d’Amelia. « Je suis chanteuse. Pour le groupe Leroy B. and The Vines. » Wow ! pensa la jeune femme (et elle fit le mouvement avec sa bouche en même temps). C’était un groupe qu’elle ne connaissait pas mais elle était quand même impressionnée d’en rencontrer la chanteuse. Puis la femme lui retourna la question.  « Je suis écrivaine. Enfin, c’est un bien grand mot. J’ai écrit un livre qui a cartonné et je suis actuellement sur le deuxième. Sinon, je suis aussi une simple étudiante en littérature. » C’était moins palpitant, quand même, mais elle sourit pour se donner l’air heureuse.

Et au moment où elle donna son nom et son interlocutrice fit de même, une personne qu’Amelia n’identifia pas bouscula donc Pearl par accident (elle avait quand même réussi à entendre son nom) et celle-ci renversa tout son verre de champagne sur la robe de l’écrivaine. Elle frissonna immédiatement, la boisson était encore fraîche et elle n’aimait définitivement pas le contact d’un vêtement mouillé contre sa peau. « Oh merde, je suis vraiment désolée ! » Amelia s’énerva intérieurement mais fit réellement tout le contraire. « Ne t’inquiète pas, ce n’est pas de ta faute ! » finit-elle par dire en s’exprimant toujours aussi bien. Puis elle regarda à droite et à gauche et vit que plusieurs personnes avaient été témoins de la scène. Il fallait aussi dire que Pearl s’était pas mal exclamée. Elle croisa son regard et réfléchit un instant avant de se rapprocher d’elle. « Enchantée, Pearl. Suis-moi aux toilettes, si tu veux. On pourra discuter sans que tout le monde nous regarde, en plus. » C’était parti pour aller débarbouiller sa robe avec du papier toilette et de l’eau. De toute façon, la robe d’Amelia était rouge, donc le champagne n’avait fait que foncer sa couleur, mais elle voulait au moins enlever le côté « collant » des conséquences de l’accident avec de l’eau. Sans attendre, elle se précipita donc vers les toilettes.

Feat. @Pearl Hartley

Amelia faisait du mieux qu’elle pouvait pour se sentir en confiance dans ce genre d’endroits et depuis qu’elle avait rencontré la jeune femme, elle s’était aussi donnée pour mission de lui donner le même sentiment. Ce n’était pas gagné, cependant… « Tu en as de la chance... Je pense surtout que ce n'est pas du tout mon milieu... » Malheureusement, la jeune autrice l’avait constaté : ces soirées mondaines avaient tout sauf l’air d’être la tasse de thé de son interlocutrice, c’était clair comme de l’eau de roche désormais. Elle eut un petit sourire en la regardant lorsque le son de Vivaldi s’arrêta pour laisser place à autre chose ; aussi classique, mais au moins, ça avait le mérite d’être différent. Fréquenter la jeune femme, même si ce n’était que depuis quelques minutes, donnait l’envie à Amelia de tout plaquer à cette soirée pour se barrer, mais ça aurait terni son image. Ô glorieuse image qu’on devait tout faire pour préserver, selon ses parents. Ils étaient compréhensifs, la plupart du temps, mais ils tenaient quand même à ce que leur fille ne salisse pas sa réputation et la leur au passage. Elle pouvait le comprendre. « Oh, je vois ! » Simple réponse qui fit sourire Amelia. Que répondre d’autre au fait qu’elle n’était pas nouvelle dans ce genre de milieu ? A la place de son interlocutrice, elle n’aurait pas mieux réagi que ça. Heureusement, la jeune femme qui lui faisait face enchaina vite en lui donnant une information sur ce qu’elle faisait actuellement, à savoir chanteuse dans un groupe. Groupe plutôt connu, peut-être ? En tout cas, Amelia n’en avait jamais entendu parlé, c’était assez bizarre, elle qui écoutait plutôt de tout. Peu importe, l’écrivaine était admirative et impressionnée par la « profession » de la brune. Puis, quand la jeune étudiante confia son métier à elle, la prochaine question était prévisible. « Qu'est-ce que tu as écrit ? » Amelia eut un petit rire ; elle s’y attendait beaucoup trop, et elle n’aimait pas trop parler en profondeur de son travail parce qu’elle ne sentait pas légitime, mais donner le nom d’un bouquin, ce n’était pas si difficile, si ? « Il s’appelle The Moon Isn’t Always Full. C’est mon seul livre à ce jour, et il commence à dater… C’est pour ça que je suis sur le deuxième en ce moment. Mais je n’ai que des bribes pour l’instant, des pistes, rien de plus... Je me concentre surtout sur mes études de lettres. » Trop d’informations, peut-être ? Amelia n’espérait ne pas être ennuyeuse à raconter tout ça. Mais elle se sentait en confiance avec son interlocutrice. Et puis qui sait, peut-être, que par chance, celle-ci avait lu son livre ? Ça permettrait de les rapprocher, sachant que celui-ci était essentiellement autobiographique, même si Amelia ne l’assumait pas tout le temps… Elle avait mis toute son âme, son être dans ce bouquin.

Enfin, Amelia put prendre connaissance du nom de son interlocutrice. Pearl Hartley. Très joli nom, pensa-t-elle. Mais elle n’eut pas vraiment le temps de penser que le contenu du verre de Pearl se déversa sur sa robe et Amelia ne put retenir une petite grimace (si si, petite, je vous jure). Ceci dit, elle s’était jurée qu’elle resterait aimable et puis, ce n’était pas vraiment la faute de la chanteuse. Elle lui intima donc de la rejoindre aux toilettes pour qu’elle puisse se nettoyer un minimum et que les deux jeunes femmes puissent parler en paix sans avoir tous les regards alentour rivés sur elles. Pearl répéta son excuse et cela attira un sourire tendre sur les lèvres d’Amelia. Elle ne souhaitait pas qu’elle s’en veuille tant… Quelqu’un l’avait bousculée, c’était contre ce type que l’écrivaine était en colère surtout. Vraiment, les gens ne font plus attention de nos jours, ça peut être très exaspérant. Les deux connaissances se dirigèrent donc sans attendre vers les toilettes et Amelia commença immédiatement à prendre une feuille de papier spécial initialement prévue pour se sécher les mains et fit couler de l’eau dessus avant de l’appliquer à l’endroit où l’alcool avait coulé et de frotter comme une dingue. Puis elle prit le temps de relever le regard vers Pearl. « Je n’ai rien contre toi Pearl mais par contre j’ai horreur du moment que je suis en train de passer de mon côté, actuellement. Heureusement que tu es là pour me tenir agréable compagnie ! » Ca c’est clair, elle était énervée de sentir cette froideur mouillée contre sa jambe. Etrangement, ça avait beaucoup d’importance à ce moment précis. Amelia était plutôt sensible et le moindre des événements pouvait lui fait perdre son équilibre. Elle continua de frotter avant de soupirer bruyamment et de jeter le premier papier à la poubelle. Elle se retourna ensuite pour faire face à Pearl. « Bon, tu veux sortir d’ici après ça ? Je ne sais pas toi, mais moi je ne pense pas que je peux rester ici plus longtemps, surtout pas avec une robe aussi mouillée. » Elle espérait que la chanteuse accepte sa proposition.