“I’m wild, but not a cat.”

C’est la phrase plutôt drôle qui traversa l’esprit d’Amelia alors qu’elle décida, dans toute sa bonne humeur du jour, de se rendre au Wildcat, la boîte de nuit la plus connue de Santa Barbara, située sur le West Side. Il faut dire qu’on était samedi, et que la demoiselle avait passé toute la semaine à écrire, et à aller en cours. Une vie assez banale, ponctuée par quelques idées noires par ci par là. C’était l’inconvénient d’être bipolaire. Que dis-je : un des inconvénients.

Mais pour l’heure, Amelia ne voulait pas y penser. Il s’agissait de partir s’amuser loin de tout ceci, loin de son manuscrit, loin de ses cours, loin de sa vie. Habitant le vieux quartier, il lui faudrait une bonne demi-heure pour atteindre le West Side mais ça ne lui faisait pas peur. La jeune femme aimait marcher, prendre l’air, c’étaient des moments qu’elle privilégiait particulièrement, surtout après une bonne séance d’écriture fructueuse.

Buvant tranquillement son thé dans son appartement du vieux quartier, l’écrivaine réfléchissait déjà à la tenue qu’elle porterait ce soir. Elle avait une petite robe noire très jolie et assez chic qu’elle avait envie d’enfiler pour l’occasion. En plus, qui sait, cette sortie spontanée serait peut-être l’occasion de faire de nouvelles rencontres, elle qui était plutôt solitaire malgré sa célébrité. Evidemment, elle n’informerait pas ses parents de ce choix d’activité pour ce soir, parce qu’ils lui auraient adressé la parole d’un ton moralisateur : « Bonne idée ma fille, ça te fera du bien ! » Ce qui en soi n’avait rien de méchant, mais Amelia savait que cette phrase renfermait beaucoup d’inquiétude sous-jacente, et ça l’embêtait.

Lorsqu’il fut enfin l’heure, Amelia mit donc la tenue pré-choisie et se maquilla soigneusement. Elle ne voulait pas mal faire les choses ! En se regardant dans la grande glace de son appartement dans sa chambre, elle se sentit belle. Elle prit avec elle sa petite sacoche noire, y fourra les essentiels, enfila des bottines rouges pour ajouter un peu de couleur à sa tenue et sortit de son habitation en prenant soin de bien fermer à clé (elle angoissait souvent de mal le faire, ou de ne pas l’avoir fait du tout, quand elle sortait).

Une fois arrivée, l’ambiance de la boite de nuit enivra presque immédiatement la jeune Woolf. Elle n’eut aucun mal à pénétrer dans l’établissement, le vigile la laissa passer sans mal. Elle sourit une fois à l’intérieur : elle aimait déjà la musique et il y avait du monde, mais pas trop. Ni trop peu. Elle avait fait le bon choix. Alors elle alla se mettre à danser, à se déhancher sur la musique, pendant une bonne heure. Puis elle eut soif. Alors Amelia décida de migrer vers le coin « bar » de la boîte de nuit où elle aperçut une seule personne qui sirotait une boisson qu’elle n’arrivait pas identifier parmi toutes les lumières qui bougeaient dans tous les sens. Tout comme elle, cette personne avait l’air assez solitaire pour le coup. Dans sa bonne humeur, Amelia ne réfléchit pas plus d’un instant ; c’était l’occasion à laquelle elle avait pensé plus tôt !

« Salut, bonsoir ! Comment ça va ? » demanda-t-elle en donnant un petit coup d’épaule dans l’épaule de son interlocuteur.trice.

Amelia & ...

Amelia a beau être solitaire, elle sait s’y prendre avec les gens quand elle les rencontre. Elle a été à assez de soirées mondaines pour avoir appris comment se comporter en compagnie d’autrui. Mais bon, quand vous êtes dans une boîte de nuit, ce n’est pas pareil. On n’aborde pas les autres de la même manière qu’à une soirée pour une association qui lutterait contre je-ne-sais-quoi. En discothèque, on peut être beaucoup plus casual, on peut se lâcher, être soi-même, et au fond, c’est ce que l’écrivaine recherchait ce soir.

Elle avait donc abordé la personne à côté d’elle qui s’avérait être apparemment une jeune femme, qu’elle arriva enfin à distinguer au moment où elle s’approcha d’elle pour lui donner un petit coup dans l’épaule. C’était maladroit, mais au moins, ça avait le mérite d’être efficace. Peut-être un peu trop… « Ecoute moi, maricón, ça fait quatre fois que tu viens me faire chier et tu commences à très concrètement me casser l… » Amelia s’était d’un coup figée, son verre dans la main, les yeux écarquillés. Elle s’attendait à tout sauf ce genre de réaction. Elle n’eut pas vraiment le temps de réagir tellement elle était bouche bée, avant que son interlocutrice enchaine, le visage soudainement plus doux. « Excuse-moi ma grande, j’ai cru que c’était encore l’autre connard qui venait m’emmerder. » Aaah, Amelia comprenait mieux désormais ce qui se passait. La jeune femme l’avait prise pendant un instant pour un mec trop collant. Compréhensible. L’écrivaine put relâcher la pression et rire un peu de soulagement. « Pas de soucis ! » Puis elle détailla le visage de son interlocutrice qui était très mignonne. Eh oui, Amelia pouvait être quelqu’un de sacrément intéressée quand elle le voulait, mais là ce n’était pas forcément le cas, elle trouvait simplement la silhouette et le visage de la jeune femme très élégants. Cette dernière prit une grande gorgée de son verre et Amelia fit de même par mimétisme avant de saisir la main que lui tendait la femme qui lui faisait face.  « Emilia enchantée. Ça m’arrive de pas être énervée, je te rassure. » L’étudiante rit en même temps qu’Emilia, avant de s’empresser de lui répondre en mettant fin à la poignée de mains au passage. « Amelia ! De même. J’espère bien… Je n’aurais pas voulu être le mec qui t’embêtait en tout cas ! » termina-t-elle sur une note légère en riant à nouveau.

L’ambiance se prêtait à l’humour et à la joie, pas à autre chose. Pas maintenant. Amelia n’en avait pas besoin. Elle prit de nouveau une petite gorgée de son cocktail beaucoup trop cher pour sa qualité et enchaina, bien décidée à ne pas passer le reste de la soirée toute seule dans cette boîte de nuit. « Alors Emilia, pourquoi es-tu là ? Qu’est-ce qui t’a guidée dans un tel lieu ce soir ? » Amelia était bien trop curieuse, et elle risquerait de le regretter, mais elle s’en fichait. Ce soir, elle voulait tout laisser de côté et se concentrer sur cette rencontre, quoi qu’elle ait à lui offrir. L’étudiante n’était absolument pas fatiguée et elle ne risquait pas de l’être bientôt. « Ou bien tu es du genre discrète ? » fit-elle à Emilia avec un clin d’œil.

Amelia & @Emilia Ibáñez