Oh show me the way to the next whisky bar. ➸ Grigori

Oh show me the way to the next whisky bar.

Arthur écrasa son mégot de cigarette sur le trottoir (pas très écologique certes) et retourna à l'intérieur du bar. Sa pause était finie et il était temps de retrouver le bruit omniprésent de l'Opal Bar. Entre la musique à fond et les gens parlaient tous plus fort les uns que les autres, Arthur rentrait souvent avec un sacré mal de crâne. Ce n'était pas facile tous les jours. Mais Arthur, il adorait son métier aussi éprouvant soit-il, quoiqu'en disent les rageux prétendant que ce n'est pas difficile de servir deux, trois bières. Ce qu'il aimait le plus, c'était le fait de faire des rencontres. Il y avait des jours où il n'avait pas envie de parler, il servait des verres et ça en restait là. Mais la plupart du temps, il restait discuter avec les gens. On disait parfois qu'un barman, c'était comme un psychologue, moins cher. Ils sont souvent à l'écoute, plein d'empathie, toujours plein de conseils et faisant aussi le médiateur dès qu'il y a des embrouilles. Arthur trouvait que ça lui correspondait plutôt bien. Combien de fois avait-il remonté le moral à des personnes arrivant en pleurs à son comptoir ?

Arthur était en train de préparer des cocktails, quand une personne qu'il connaissait bien s'installa à son comptoir. "Hey salut Grigori !" dit-il avec un grand sourire avant de lui faire un high five. C'était un gars sympa qui venait souvent au bar, alors à force, Arthur avait remarqué sa tête. Si Arthur ne se trompait pas, Grigori venait souvent après le Taff. Arthur le comprenait, lui aussi aurait besoin d'un verre ou deux après avoir passé toute une journée aux urgences. Il fallait avoir du courage pour bosser dans ce service. "Je te sers comme d'hab ?" Il n'attendit pas vraiment la réponse de son camarade et commença à lui préparer son verre, qu'il plaça devant lui quelques minutes plus tard. "Bon, qu'est-ce que t'as eu comme cas aujourd'hui ?" Il ne voulait pas rire du malheur des autres, mais Grigori lui avait déjà parlé de certains patients se présentant aux urgences et il y avait de quoi s'amuser. Notamment ceux qui arrivaient à s'insérer n'importe quel objet dans le rectum... A se demander comment ils avaient pu tenter une telle chose.

(c) nightgaunt

Travailler un samedi, ça ne devrait pas être permis. Pourtant, c'était bien la dure réalité pour Grigori. Deux fois par mois, il travaillait le week-end comme renfort aux urgences. C'était une place qu'il appréciait, pour devoir être prompt à réagir dans les cas les plus graves. Mais souvent, les gens venaient pour des menus bobos et le temps semblait s'égrainer avec lenteur lorsqu'il avait d'innombrables paperasses à remplir et de sempiternels check-ups à faire. Dans le bloc opératoire au moins, les patients s'enchaînaient les uns après les autres, si bien que les minutes filaient à grande vitesse. Si seulement les week-ends pouvaient être pareils.

Après avoir passé une journée entière à se farcir le travail indésirable de ses collègues qui lui refilaient le sale boulot, Grigori appréciait de se changer les idées. La première fois, il était venu dans l'Opal Bar un peu par hasard, pour finalement apprécier l'ambiance qui y régnait et vouloir y revenir de temps en temps. Arthur, l'un des barmans, s'était pris d'affection pour les quelques récits drôles qu'il avait à raconter suite à sa journée. De fil en aiguille, une certaine amitié était née entre eux, si bien qu'ils étaient probablement devenus de véritables amis.

Alors, comme une promesse muette qu'ils s'étaient faite, Grigori revenait toujours au bar après ses journées aux urgences, accompagnant son ami pour la soirée.

▬ Salut, Arth' !

Grigori répondit au high five du barman et s'installa au comptoir, les jambes en compote. Aussi, il hocha simplement la tête lorsqu'Artur lui demanda s'il voulait sa boisson habituelle.

▬ C'est parfait, merci, se crut-il néanmoins obligé de préciser.

Ni de une, ni de deux, son ami remplit un verre de bière au fût avec dextérité et le reposa sur le comptoir. Pour l'heure, les clients n'étaient pas trop nombreux, ou du moins étaient-ils occupés à discuter entre eux. Alors Arthur se pencha vers lui pour poser cette question fatidique. C'était comment aujourd'hui ?

▬ Compte pas trop sur moi aujourd'hui pour te raconter une bonne histoire, j'ai quasi rien fait. Ça manquait un peu d'ambiance aux urgences. Puis avec cette supérieure qui me ressort par les trous d'nez, elle m'a encore refilé tous les cons du dimanche...

Il soupira avant de prendre sa bière et boire deux grosses lampées pour se désaltérer.

▬ Et toi ? Les gens t'ont pas trop fait chier pour la fermeture l'autre soir ?

Halloween

Oh show me the way to the next whisky bar.

@Grigori Grinine & Arthur D. Porter

C'était plutôt une bonne soirée. Le bar était rempli, mais pas trop, ce qui permettait à Arthur de se poser un peu pour discuter avec son ami, sans être obligé de parler fort à s'en déchirer la voix. Après avoir servi une bière à Grigori, il s'accouda au comptoir, attendu la suite des aventures. Malheureusement pour lui, ce soir, sa curiosité ne serait pas rempli. Il afficha une petite moue déçue, avant de finalement hausser les épaules. "Bah, je peux comprendre que la vie ne peut pas être comme un épisode de Grey's Anatomy tous les jours. D'ailleurs, il se passe tellement de choses dans cet hôpital qu'on pourrait croire qu'il a été construit sur un cimetière indien." Il n'avait jamais regardé cette série, mais comme il ne vivait pas dans une grotte, il en avait entendu parler. Et ça ne lui donnait pas envie de la voir. "Tu as eu quoi comme con du coup ? Le gars qui vient à l'hosto juste pour une écharde dans le doigt ?" Il était sûr que ça existait ! Quand il pensait à tout ces hypocondriaques qui saturaient les urgences, ça avait le don de l'énerver. Il allait souvent à l'hôpital, en raison de sa maladie, et même s'il n'allait pas aux urgences, c'était toujours la galère...

Grigori lui demandant en retour comment ça se passait au taff. Arthur haussa les épaules, avant de répondre "Bah, il y a toujours deux ou trois piliers de comptoir qu'il faut sortir à coup de pieds au cul, mais dans l'ensemble ça va." En ce moment, l'ambiance était plutôt calme au bar. Il faut dire qu'avec les jours qui devenaient plus courts, les gens avaient souvent envie de rentrer chez eux en sortant du boulot. L'automne était une période un peu creuse pour les bars. Arthur pouvait le comprendre, lui aussi préférait être sous la couette. Enfin, heureusement qu'ils vivaient sur la Californie où le soleil restait présent même à cette période. Il ne s'imaginait pas vivre sous la côte est, où il faisait bien plus froid... Il déprimerait. "Par contre, la semaine dernière, il y a eu un enterrement de vie de jeune fille, elles ont mis le bar sens dessus dessous. Le patron était grave vénère après..." Autant ce genre d'événement était bon pour les affaires, autant, il pouvait être sur qu'il allait avoir de la casse et que ça allait être chiant à servir.

(c) nightgaunt

Grigori haussa un peu les sourcils quand Arthur fit allusion à Grey's Anatomy. Les gens s'imaginent toujours que les métiers de soin sont hyper badass, qu'il s'y passe un nombre incroyable de choses ou d'aventures trépidantes. En vrai, c'était surtout sale et les gens étaient plutôt bêtes... Rien d'excitant là-dedans.

▬ Tu penses que l'hôpital aurait pu être construit sur un cimetière indien ? Pfff...

Il balaya l'idée avec sa main de manière un peu blasée.

▬ J'y crois pas trop à ces trucs, moi. J'imagine plutôt que c'est surtout une histoire de karma. Tôt ou tard, toutes tes merdes te reviennent à la figure. D'une façon, ou d'une autre.

Il continua, mais sur un ton plus bas, comme s'il parlait pour lui-même :

▬ Que ce soit celles de cette vie ou celles d'avant...

Grigori amena alors sa boisson à ses lèvres, appréciant le fort goût de houblon de celle-ci. Il devait avouer que l'Opal Bar était sans doute le seul pub de la ville à offrir des bières aussi savoureuses. Raison supplémentaire pour lui avoir donner envie de se poser régulièrement ici.

Arthur continua sur sa lancée, demandant tout de même des détails sur sa journée.

▬ Euh non... On a pas eu vent d'un souci d'écharde... Mais une piqûre de guêpe, oui.

Maudits insectes, pourquoi autant de monde semblait être si sensible à leurs dards ?

L'infirmier changea néanmoins vite de conversation, passant de son boulot à celui de son ami. Il sourit lorsqu'il fit allusion à un enterrement de vie de jeune fille.

▬ Ca devait être terrible ! J'aurai bien aimé voir sa tête au patron. Et elle avait de jolies amies la future mariée ?

Halloween

Oh show me the way to the next whisky bar.

@Grigori Grinine & Arthur D. Porter

Arthur se marra à la réaction de Grigori. Bien sûr que l'hôpital n'avait pas pu être construit sur un cimetière indien. Mais c'était assez marrant de voir qu'il gardait un esprit cartésien alors qu'il semblait croire à la légende. "Ouais, je pense aussi que le karma, il fourre souvent son nez dans nos affaires." Arthur réfléchit. Il n'avait pas une vie de merde, dans l'ensemble ça allait, mais il n'était pas super heureux non plus. Il se contentait juste de vivre sa vie et... Voilà. Rien d'excitant, rien qui le passionnait. Non, il faisait son bout de chemin, et puis c'est tout. Assez déprimant tout ça. Il aurait bien aimé trouver quelque chose qui le motive... Il y avait bien la littérature mais, même aujourd'hui, cela ne lui faisait plus rien. "Pourtant celui que j'étais dans une vie antérieure était assez... Compliqué. Le karma ne s'est pas encore vengé." Ouais ouais, il en avait conscience Arthur, qu'avant, il pouvait être considéré comme une pourriture. Même s'il avait marqué la littérature française, il était plus connu pour ses frasques que pour ses textes. Le Arthur d'aujourd'hui n'avait aucun mal à parler de celui qu'il était avant. "Et toi ?" demanda-t-il à Grigori avec curiosité, afin d'en savoir un peu plus sur qu'il était avant. Arthur voyait cela un peu comme un jeu. Essayer de deviner qui était l'âme antérieure de la personne devant lui, sans que celui le lui dise.

Arthur écouta Grigori lui dire qu'une personne était venue aux urgences pour une simple piqure de guêpe. "En toute honnêteté, je ne sais pas ce que je ferais si je me faisais piquer par une guêpe... Et j'ai passé l'âge de demander des bisous magiques à ma mère." dit-il avec un petit rire. Niveau soin de premieres nécessités, Arthur était nul ! Il savait mettre un pansement et ça s'arrêtait là. Pourtant, on pouvait croire qu'avec ses soucis de santé, il avait été briefé, mais non... La plupart du temps, quand il se faisait une petite blessure, il demandait l'avis de son coloc sur ce qu'il devait faire.

"Je savais que j'aurai dû prendre sa tête." dit Arthur en riant. "Et franchement... Bof. Pas de jolies amies, même la marié en soi, je ne l'ai pas trouvé terrible. Quitte à passer pour une langue de pute, c'est déjà pas mal qu'elle se marie. Enfin, les goûts et les couleurs hein..." Un autre client arriva et Arthur quitta Grigori quelques secondes pour aller le servir. Ça ne prit pas longtemps et il fut vite de retour auprès de son ami. "Pourquoi cette question ? Tu cherches à te caser ?"

(c) nightgaunt